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dimanche 27 novembre 2011

Vers une réinterprétation de la notion de risque dans une approche éthique de l’investissement (2) - Consensus vs. coercition

Dans la 1ère partie de cet article, il a été souligné que les sociétés modernes font supporter à l'ensemble de l'humanité un niveau de risque de plus en  plus élevé. En réaction à ce phénomène, les activités de "risk management" en milieu industriel, comme dans le milieu des services (financier entre autre) connaissent une croissance très importante.
Il existe toutefois un rempart à la dérive dangereuse en matière de risque : le principe de la dette de vie. Parce qu'aucun d'entre nous n'est créateur de sa propre personne, chacun se doit ou devrait perpétuer l'oeuvre originale. Ainsi, chacun a le devoir d'assurer l'avenir de son Prochain, autrement dit des générations futures.
Nous retrouvons ici le concept plus vulgairement connu de Développement Durable, qui appréhende toute activité d'origine humaine dans sa globalité, dont notamment son impact social et environnemental.
De ce point de vue, il reste encore beaucoup à faire pour progresser. Force est de reconnaître que le secteur financier est encore loin d'avoir intégrer dans son analyse du risque, ne serait-ce que la majeure partie des variables de nature sociale et environnementale.


Le caractère intrinsèquement sournois du risque complique la concertation a priori, du fait d’abord  de la difficulté de représentation du risque encouru tant qu’il ne s’est pas réalisé, ensuite parce que l’organisation de la société ne s’est jamais construite sur une base d’anticipation de scénarios catastrophes, mais sur l’espoir d’un avenir radieux. La société ne s’organise pas par dépit, mais au contraire par optimisme envers l’avenir. Se prémunir contre le risque est encore trop perçu comme l’adoption d’un regard pessimiste sur le futur, ce qui explique que l’homme n’y prête pas l’intérêt nécessaire et suffisant. Or, l’appréhension du risque n’est pas un signe de défaite, d’échec, ni de soumission. Il ne faut surtout pas chercher à ignorer la perspective du risque, car cela relève de l’irresponsabilité. La responsabilité repose en revanche sur la capacité de discernement. Anticiper un risque est effectivement le meilleur moyen de l’éviter. Selon U. Beck, la société du risque mènerait à un effondrement progressif de la société des classes (chacun étant égal face au risque) et à la nécessité de redéfinir un nouveau cadre politique. On en revient à l’idée d’un cadre institutionnel capable d’intégrer des principes responsables.


Le côté égalitaire du risque

Dans un contexte de risque globalisé – comme nous le connaissons aujourd’hui – le combat des classes sociales se déplace donc sur un nouveau terrain : le problème de positionnement social de l’individu dans la société tend à s’estomper au profit d’une préoccupation de survie personnelle. Il ne s’agit plus d’un face-à-face homme/homme (comme la lutte des classes l’exprime), mais d’une confrontation homme/inconnu. Preuve que l’inégalité est relative, les hommes apparaissent immanquablement tous égaux face au danger. L’ennemi d’antan peut devenir tout à coup le sauveur du moment. La logique de classe devient caduque face à l’évidente égalité de la personne dans un contexte de risque généralisé.

Par extension, la nouvelle organisation politique de la société remet fondamentalement en cause l’un des principes sur lesquels elle est fondée : le concept de propriété individuelle. Quelle utilité d’accumuler, si le patrimoine constitué est gravement menacé par des éléments sur lesquels le propriétaire n’a pas de prise ?
Face à la réalité de sa propre existence, l’homme n’est puissant que dans sa manière de concevoir et d’assurer sa propre survie. Le concept d’une société totalement organisée autour de la production et de la consommation n’a de sens que dans un espace naturel sans limite, dans lequel le partage des ressources de la vie est garanti. Hors cet équilibre n’existe plus. Il s’agit donc de repenser une société autour du principe de vulnérabilité face au risque, et non autour de l’être et du paraître, ce qui pose toutefois un problème ontologique auquel l’homme refuse de se confronter, car il a jusqu’à présent toujours placé la personne au-dessus du bien commun.


Le risque : une menace pour la démocratie

Sauf à parvenir à l’adoption d’une discipline commune, il y a de fortes chances que les systèmes de contrôle des personnes se généralisent (avec la sempiternelle question de l’atteinte à la vie privée), dans la mesure où – dans un contexte d’accès facilité aux technologies les plus modernes – chacun devient potentiellement capable de provoquer une catastrophe à grande échelle. Il est donc possible d’en conclure que l’enjeu de la responsabilité individuelle face à une situation de risque est la sauvegarde de la liberté et de l’intimité de chacun. L’espace de liberté individuelle est pourtant constitutif de l’être humain. Celui-ci ne pourrait survivre à une oppression permanente (qui est aujourd’hui considéré comme une atteinte à l’intégrité physique et donc condamnable par la loi). L’alternative à la coercition est la redéfinition d’un modèle de société. Les institutions financières ont un rôle à jouer (sans aucun risque de perdre leur clientèle, en raison de leur statut incontournable dans les circuits économiques), plutôt que de faire le jeu d’une finance de marché qui met en avant l’individualisme comme source de construction d’un patrimoine censé garantir l’existence de l’être humain.


La dette de vie, un service à n’importe quel prix ?

Il faut reconnaître qu’il existe aujourd’hui un refus à accepter le risque. La capacité de laisser faire et le refus de prise de conscience sont profondément implantés dans une société saturée d’informations. Il y a même une tendance à la négation de la conscience (« Je n’étais pas au courant »), à la négation de l’action (« je n’ai rien fait de mal ») et à la négation de la capacité personnelle à intervenir (« Qu’est-ce que je pouvais faire ? »).

Admettre que le danger nous menace rendrait la vie inutile, car sans perspective de continuité. Anticiper, être averti, acquérir la conviction d’un terme imminent de l’espèce humaine serait profondément déstabilisant pour l’homme, au point de rejeter ce sentiment. Chaque personne en viendrait à s’interroger sur la finalité de son existence, ce qui prouve qu’inconsciemment l’être se sent investi malgré lui d’une mission, celle d’assurer sa descendance, car celle-ci constitue le prolongement de sa propre existence et permet de prouver sa confiance en la pérennité de la vie. En se projetant inconsciemment dans la génération future, l’homme exprime une forme de dette de vie, car cette dette lui donne en échange la clé pour passer dans la postérité. Derrière les ordres d’achat et de vente de titres que l’investisseur passe sur le marché, ou derrière la construction d’un empire industriel, il peut se dissimuler la silhouette d’une personne qui, au-delà de ses seuls besoins fondamentaux d’existence, cherche à laisser à ses descendants un patrimoine, peut-être aussi une certaine vision de la vie et des valeurs, et souvent à laisser sa trace dans l’histoire. L’intention peut être certes bonne, si elle ne va pas à l’encontre d’une négligence des risques éventuellement générés par les conditions de sa réalisation (ce qui semble incohérent avec le souci d’assurer la relève des générations) ? Quels sont les moyens de paiement acceptés – pourrait-on dire – pour régler sa dette ? Voilà des questions qui se posent et ne peuvent trouver de réponse qu’en éclaircissant le principe de la dette de vie. Il apparaît en fait que nous sommes face à un phénomène financier tel qu’on l’entend sur le plan économique, avec une dette à régler, un risque de crédit (l’éventuel défaut de conscience de l’homme à l’égard du principe de l’existence) et les conditions de son acquittement. Le non-remboursement de la dette coïnciderait avec la disparition de l’espèce humaine, tout comme l’incapacité de faire face à ses engagements traduit l’état de faillite de l’entreprise.


La finance en situation d’échec, dans sa politique de gestion des risques

La prolifération des risques a conduit d’une part à considérer certains d’entre eux comme inéluctables, et d’autre part – conséquence logique – à banaliser le principe-même de risque, à l’interpréter comme la contrepartie non dissociable du bien-être qu’il procure, comme le mal nécessaire pour un confort de vie meilleure. Le risque perd alors de son caractère dramatique pour devenir « l’accompagnateur » habituel de l’homme. Dans le domaine financier, il en est devenu ainsi également. Il paraît normal aux yeux de chacun qu’une mise de fonds comporte un risque.

La dimension importante du risque dans les sociétés modernes réhabilite la notion d’incertitude comme élément fondamental à prendre en compte dans le processus décisionnel. L’obstacle majeur à la prise en considération de l’incertitude – et donc à l’adoption d’un principe de précaution – est qu’elle est incompatible avec les principes de l’économie néo-classique. Les divers théorèmes et théories générales ont cherché à rationaliser les choix personnels, et à considérer le marché comme un jeu à somme nulle où tout finit par s’équilibrer (selon l’hypothèse qu’en face de chaque acheteur se trouve un vendeur, que toute création est compensée par une absorption au titre de la perpétuité du cycle de vie).
 
Si la profession bancaire est encadrée par des normes de plus en plus strictes en matière de ratios bilantaires et contraintes d’exposition au risque (Bâle II, puis Bâle III maintenant), de façon à prévenir tout risque systémique qui mettrait à mal l’ensemble du système financier, l’impasse demeure sur le risque non financier. Aucune réglementation ne contraint les banques à intégrer dans leurs analyses de dossier de financement une évaluation des externalités négatives. La raison en est simple : ce type d’analyse conduirait à la non-viabilité intrinsèque d’une part substantielle des projets.

lundi 31 octobre 2011

Vers une réinterprétation de la notion de risque dans une approche éthique de l’investissement (1) - Conditions et implications

(the Al Gore's film poster)
Dans une 1ère partie, nous aborderons la généralisation du phénomène de risque et l'évolution d'une vision individualiste de celui-ci vers une vision communautaire.
De plus en plus fréquemment, les risques prennent une échelle planétaire, qu'il s'agisse du récent accident nucléaire de Fukushima ou de la grippe aviaire. Tout un chacun devient concerné.

Dans une 2ème partie, nous analyserons pourquoi la configuration actuelle du risque nécessite une révision profonde du modèle de la société contemporaine.
Nous pourrons en conclure que l'évaluation du risque dans le domaine de l'investissement nécessite d'être élargie à des aspects sociaux et environnementaux aujourd'hui encore pas suffisamment pris en considération, même si quelques progrès ont pu être réalisés.


Diverses initiatives surgissent depuis une bonne décennie dans le secteur bancaire et financier au niveau international comme au niveau local, en vue de promouvoir une nouvelle forme de finance plus proche des problématiques sociales et environnementales émergentes dans le cadre de la globalisation.

On peut par exemple citer :
-          les PRI (Principles for Responsible Investment) sous l’égide des Nations-Unies, visant à fraire adopter par les acteurs financiers des normes et règles de conduite communes.
-          les SIF (Social Investment Forum), entités à l’échelle nationale encourageant l’investissement socialement responsable (ISR), tant auprès des banques et sociétés de gestion, que des fonds d’investissement.
-          ou encore les nombreuses organisations indépendantes à un niveau national ou local, telles que Sustainable Finance Geneva ou le TIGFI (The Institute for Global Financial Integrity) à Luxembourg.

La plupart de ces initiatives (en-dehors de l’ISR) restent généralement assez peu connue d’une grande partie des professionnels du milieu bancaire – et a fortiori du grand public – ce qui illustre bien la timide avancée de la réflexion sur de nouvelles pratiques éthiques.
Ce constat n’est pas surprenant. Dans une optique de comportement financier responsable, la remise en cause des schémas de raisonnement courant est plus profonde qu’elle ne le laisse croire, d’où l’immobilisme ou la résistance au changement qui se manifeste.


La double dimension des risques

Nous regroupons sous le vocable de « financement », les opérations de crédit tout comme celles d’investissement. En effet, dans les deux cas, une évaluation du risque est nécessaire. En-dehors d’un socle usuel d’informations à partir duquel l’analyse est effectuée (éléments d’ordre financier notamment), l’opérateur de financement est libre d’y inclure des données complémentaires s’il souhaite approfondir son approche.

Une opération de financement engendre deux types de risque :
-          un risque pour l’apporteur de fonds (le plus généralement une banque offrant un crédit ; un acteur industriel développant son outil de production ; ou encore un opérateur privé effectuant un placement) : celui-ci n’est pas toujours certain de récupérer sa mise de fonds initiale, ou encore de tirer le bénéfice financier ou matériel escompté. La prise de décision est par nature difficile, compte-tenu de l’éventail de considérations en jeu.
-          un risque pour la société, que l’on qualifiera d’externalités négatives, si celui-ci se réalise. L’investissement peut par exemple entraîner de façon détournée une dégradation de l’environnement (rejets industriels). Il peut également avoir pour conséquence indirecte des pertes d’emplois et donc la destruction partielle d’un tissu social. Cependant, il peut de manière tout aussi indirecte être à la source de nouvelles activités offrant des perspectives de redynamisation d’une région.

Force est de reconnaître que le risque et les opportunités à l’échelle de la société sont très mal évalués, non par défaut d’outils à disposition, mais par manque de préoccupation pour ces aspects-là. Ce constat pose notamment le problème de l’internalisation des externalités dont les coûts, tout comme les gains, ne font que très marginalement partie du calcul de la rentabilité d’un investissement.


L'acceptation du risque : une forme de jeu

De façon générale, comment s’exprime le risque ? Il illustre une situation mettant en jeu in fine l’intégrité physique ou psychique de la personne. La conscience du risque croît parallèlement à l’augmentation de la reconnaissance de la valeur humaine, et au phénomène d’anticipation des évènements. Il s’appréhende par le savoir et la déduction, qui peuvent provenir de l’expérience passée ou de la simple acquisition de connaissances.

La notion de risque est donc fortement liée au contexte individuel et social de chacun. Le risque est ressenti de manière plus exacerbée dans les sociétés valorisant l’être humain, que dans celles construites autour d’un état d’esprit communautaire.
L’évaluation de la probabilité du risque est un exercice mathématiquement faisable, sur base de statistiques. A l’opposé, l’acceptation de celui-ci est relative et ne peut être isolée de son contexte d’apparition. On sait par exemple que l’automobile est un moyen de transport plus dangereux que le train, et pourtant l’engouement pour la route demeure. De même, le chasseur de perles n’interrompt pas son activité malgré les risques inhérents à la plongée en apnée. Dans ces deux exemples, le risque est accepté, car l’individu y trouve en contrepartie une satisfaction en terme de confort de vie ou d’enrichissement personnel. Chaque choix étant facteur de risque, le risque est donc sans cesse à rapporter à l’utilité marginale qu’il génère. Le problème majeur est que le risque est essentiellement appréhendé dans un contexte individuel, sans préoccupation ou avec sous-estimation de l’impact communautaire. Même l’alpiniste dans son ascension solitaire génère la survenance d’un risque pour autrui, qui tentera éventuellement de lui porter secours en cas de difficulté. En conclusion, ne pas prendre de risque reviendrait-il à faire preuve d’altruisme ? Cela ne veut cependant pas dire que les preneurs de risque sont tous égoïstes, car la teneur du risque et sa portée sont perçues de manière très différente par chacun.

U. Beck précise d’ailleurs que l’on passe de plus en plus d’une logique de risque personnel à un contexte de risque communautaire, du fait notamment d’un développement technologique de plus en plus accéléré. Si autrefois, le risque était un phénomène externe non prévisible, il devient de plus en plus prévisible, grâce aux simulations qu’il est aujourd’hui possible de réaliser.
La maîtrise du risque ne peut donc passer que par un débat ouvert, une concertation permanente des acteurs de la société, pour déterminer ce qui peut être acceptable et ce qui devrait être absolument rejeté.


Le caractère de plus en plus politique du risque

Du fait de sa répercussion immanquablement communautaire, la problématique du risque devient même une affaire de dimension politique. Il n’est en effet plus possible de laisser aux agents économiques le soin de le gérer chacun à leur manière. Il est nécessaire de déterminer une nouvelle ligne de conduite, une nouvelle façon de penser et donc un nouveau cadre institutionnel intégrant une gestion anticipative du risque, ainsi que des solutions communes pour y remédier en cas de réalisation. Il s’agit d’abandonner les formes de gestion qui correspondent à la vision contemporaine individualisée du risque.

Une prise en compte élargie du risque bute sur l’incapacité de l’homme à reconnaître et accepter les conditions de sa propre survie. Ceci l’incite à reporter sur autrui la mission de trouver une solution préventive ou salvatrice, par désespoir de parvenir facilement à l’émergence d’un consensus sur une vision commune (en raison du nombre trop important d’humains à mettre d’accord). Le niveau de risque serait donc une fonction croissante de la population mondiale, et les choix (généralement hâtifs) faits en matière d’investissement traduiraient indirectement l’égoïsme désespéré de l’individu face à la difficulté d’aboutir à une décision concertée.

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Main links :
- PRI : www.unpri.org
- SIF : www.eurosif.org ; www.ussif.org ; www.frenchsif.org ...
- Sustainable Finance Geneva : www.sfgeneva.org
- TIGFI : www.tigfi.lu

lundi 12 septembre 2011

Capital humain (2) : formalisation d'une démarche éthique dans les organisations

Dans une première partie, nous avons constaté que la croissance économique dès la fin du 19ème siècle s'est appuyée essentiellement sur l'exploitation (non contrôlée) des ressources naturelles et sur la division du travail., l'homme étant assimilé à un facteur de production au même titre que la machine. L'objectif étant l'augmentation perpétuelle de l'offre de biens consommés.
Ce modèle de croissance pose aujourd'hui ses limites avec la raréfaction des ressources naturelles. Ce qui est communément appelé la croissance doit s'appuyer sur d'autres leviers, afin de garantir une amélioration du bien-être individuel et collectif. Et l'on commence à découvrir que cet élan est à portée de main, au sein-même de la ressource humaine.

Il sera question ici des modalités de mise en application de principes éthiques dans le domaine de l'organisation et des process de travail.

Postulat
Loin de faire perdre de l'argent à une entreprise, une démarche éthique est génératrice de créativité, et par conséquent de valeur ajoutée. S'imposer des contraintes plus élevées que ne l'exige par exemple la loi, place l'entreprise dans une position de force face à la concurrence. La contrainte devient rapidemment une opportunité.
Les forces du marché finissent en effet toujours par nuire aux organisations dont le comportement n'est pas vertueux (actions des groupes de pression environnemtale, survenance de scandales financiers, coûts induits par une perte de notiriété et de confiance des consomateurs), d'où les stratégies en matière de communication des plus grandes firmes par rapport à la problématique du développement durable.

L'objectif d'une démarche éthique est unique : renforcer la viabilité de l'entreprise et par conséquent assurer sa pérennité.
Les moyens pour y parvenir, par contre, sont multiples et complentaires (voire indissociables). Trois vecteurs d'amélioration peuvent être identifiés, tous étant centrés sur la valeur humaine. Chacun évoque la dimension humaine dans les discours d'entreprise, mais tous s'accordent à dire qu'il reste encore beaucoup à faire ...

1er vecteur : maximiser la potentialité de l'individu
Le capital humain coûte cher. Il est généralement la charge fixe la plus lourde de l'entreprise, ce qui le place comme cible privilégiée dans tout plan de réduction des coûts. Quitte à devoir supporter une telle charge, les entreprises ont un intérêt évident à maximiser la valeur ajoutée qu'il est possible de tirer du capital humain.
Les traditionnelles mesures d'augmentation de la productivité (informatique, robotique, etc ...) ont certainement consommé l'essentiel de la marge d'amélioration possible. De leur côté, les moyens de pression (mobing entre autre) exercés sur l'employé se traduisent généralement par une augmentation des coûts (absentéisme, malfaçon, etc ...).

Contrairement à ce que l'on imagine au premier abord, la rémunération n'est pas le seul élément de satisfaction de l'individu (et le sera peut-être de moins en moins au fur et à mesure que l'homme percevra l'importance de certaines valeurs fondamentales que sont l'environnement de vie, la santé, les relations sociales ...).
Bien au-delà de ce que l'on peut penser, l'homme souffre d'un manque de reconnaissance, matérialisé la plupart du temps par un déficit de responsabilité. Combien de fois entend-on les salariés de PM se plaindrent d'un niveau de salaire moindre que dans les grandes entreprises à poste équivalent, mais en contrepartie d'une richesse du contenu du poste sans commune mesure avec leurs confrères des grandes firmes.
Il coûte probablement moins cher à l'entreprise de mettre en oeuvre une politique de mise en valeur de l'individu et de partage de responsabilité, que de motiver une population d'employés par le seul biais de la fiche de paye. Ce n'est pas le meilleur moyen de retenir les bons éléments, qui même s'ils sont bien rémunérés, pourrant toujours trouver une situation encore meilleure par le seul fait de leur compétence.

2ème vecteur : favoriser la créativité
Sans céder à l'objectif d'améliorer la productivité (seul moyen pour baisser les coûts du travail), il est préférable de favoriser l'épanouissement de l'individu, de façon à stimuler son initiative à engager une démarche de progrès continu. L'hyper-concurrence dans une majorité de secteurs d'activité rend l'innovation primordiale. On n'est créatif que lorsque l'on se sent bien dans son travail, dans soi-même. Alors seulement, il devient possible de prendre le recul nécessaire pour libérer un élan positif. Dans bien des domaines, la créativité n'est pas la seule affaire des créateurs ou designers. Tout un chacun est susceptible d'apporter une amélioration dans la partie du process dans laquelle il se trouve. La créativité peut se manifester sous différentes formes : amélioration d'un workflow, d'une procédure ; utilisation d'un matériel, d'une solution informatique à une autre fin que celle d'origine ... et bien naturellement création d'un nouveau produit (comme la définition est usuellement comprise).

3ème vecteur : changer les mentalités et l'attitude comportementale
Là se trouve le lien entre responsabilité et profitabilité, deux concepts qui sont souvent considérés comme étant rigoureusement opposés, alors qu'au contraire, ils ne sont absolument pas antinomiques.
La responsabilité suppose que toute action entreprise doit être le moins nuisible possible envers autrui, ou envers une autre action entreprise simultanément.
Ci-dessous, deux exemples de pratiques nuisant à la création de valeur pour l'actionnaire :
- l'absence d'objectifs clairement formulés par la direction de l'entreprise porte atteinte à une multitude d'intérêts : aux actionnaires en raison d'un manque de visibilité des employés sur ce qui est attendu d'eux ; au personnel de l'entreprise qui se sent démotivé et non impliqué, dont non performant.
- l'absence d'organisation nuit également au bon fonctionnment de l'entreprise, ce qui entrave sa capacité à servir ses clients de façon optimale.
Une prise de conscience des répercussions des actes que chacun réalise au quotidien, fait partie d'une démarche responsable dont tout le monde est bénéficiaire. La répercussion s'en ressent in fine sur le résultat financier de l'entreprise.

dimanche 28 août 2011

Toute modernité non guidée est dangereuse ...

La modernité est irréversible. Elle est le fruit du développement de la connaissance humaine, elle-même irréversible.
La capacité de réflexion est le propre de l'espèce humaine, son principal (sinon unique) élément de distinction d'avec l'animal.
Même si le développement des sociétés modernes prend parfois des directions suicidaires - qu'il s'agisse de l'exploitation de l'énergie nucléaire ou de la manipulation génétique - ce sentier de développement ne s'arrêtera pas, sauf catastrophe fatale pour l'humanité entière.

Une avancée sans retour ?
Conscient de cette éventualité, notre société va développer de plus en plus de technologies destinées à se parer contre un tel risque se présentant comme l'héritage plus ou moins direct de notre (soi-disante) modernité. Ainsi, dans le domaine de la protection contre la chaleur, on peut imaginer voir émerger dans un avenir assez proche des textiles isolants, capables de produire une mince couche d'air frais à la surface de la peau (la disparition des appareils de climatisation sera alors quasiment possible ...).
De même, dans le domaine alimentaire, l'avancée des OGM est inexorables. On peut la stopper. Elle engendrera alors le développement d'une autre forme d'alimentation ; la diversité botanique sera remplacée par une diversité artificielle, résultant d'une sélection volontaire des gênes que l'on voudra privilégier dans les plants. La maniplation génétique se démocratisera et l'homme sera capable de reproduire des plantes ancestrales, comme aujourd'hui il serait presque possible de concevoir un mammouth sur base de prélèvements d'ADN dans des morceaux congelés retrouvés dans les zones nordiques.

Responsabilité et croyance, concept indissociable
L'homme contemporain peut-il assumer cette responsabilité, si l'on considère que les générations précédents ont elles-mêmes été soumise à leur propre sort ... ce sort étant dépendant et intrinsèque à l'évolution de la connaissance. Le propre de l'espèrce humaine n'est-il pas de se construire génération après génération ; la génération future se construisant elle-même sur base de l'accroissement de la connaissance ? L'avenir de l'homme dépendrait alors de sa capacité à aboutir à la connaissance certaine, i.e. celle qui ne sera pas remise en cause, et qui permettrait donc définitivement de figer le bon du mauvais pour l'homme ... Vu sous cet angle, la croyance serait donc dangereuse, car elle pourrait orienter l'homme dans une voie qui n'est pas celle de la Vérité. Or, sans croyance, nul objectif et donc nul chemin à suivre. Sans croyance, l'homme est sans repère. On ne bâtit pas un avenir sans objectif, ni règles à suivre. S'il n'a pas ni objectif, ni discipline (intellectuelle et spirituelle), il ne peut-être tenu responsable du sort des générations futures (comportement similaire à l'animal).
La concertation pour la définition d'une croyance commune est donc nécessaire, pour donner une orientation ... au risque qu'elle soit contestée. Aujourd'hui, il n'y a pas de croyance commune à l'échelle de l'humanité. Vouloir bâtir un modèle de développement durable qui garantit l'avenir des générations futures est un voeux idéal. Seul l'adoption du principe de précaution peut permettre le limiter les incertitudes sur l'avenir des générations. Cette attitude de précaution est globalement enseignée par toutes les grandes religions. Elles sont certainement une base - sinon la base - sur laquelle s'appuyer pour construire un futur possible.

Arbitrer entre bien et mal, meilleur et pire : un besoin d'éthique évident ... et de prise de conscience
Vouloir aujourd'hui préserver des méthodes (soi-disantes) ancestrales a du sens, si cela s'appuye sur une intention de préservation du bien commun (common good). La mdernité produit de façon quasi-simultanée les moyens de destruction de l'humanité et les recettes pour survivre. La connaissance est pervers, car elle produit à la fois le mal et le bien. De nombreux philosophes, notamment d'origine juive, tels que Jonas ou Lévinas se sont interrogés à la suite de l'Holocauste, sur les voies possibles d'une sortie de l'humanité de ce phénomène de balancement permanent entre le pire et le meilleur. Ils soulignent l'urgence de la définition et de l 'application d'une éthique de vie, rendant l'homme capable de faire la part entre la bien et le mal. Kant avait déjà travaillé sur cette thématique. On s'aperçoit donc que le sujet n'est pas récent et n'a pas encore abouti à des solutions concrètes, faute de force de conviction. Or, il n'y a pas mieux que les croyances pour faire changer les comportements. On est donc dans un schéma, où la religion semble un des points de passage pour guider l'homme dans sa conception de la vie idéale.

Les sociétés primitives n'ont hélàs aucune chance de survie dans le courant actuel, sauf à accepter de leur laisser définitivment des morceaux de territoires. Mais l'homme contemporain n'y est pas prêt, tnat qu'il n'aura pas fait ce travail de réflexion sur l'éthique du développement. On verra donc disparaître les peuples primitifs comme de nombreuses espèces animales. L'avancée de la modernité rapproche toujours plus ces peuples du statut d'animal dans la pensée (soit-disante) moderne ! Le respect limité du "droit naturel" par l'homme contemporain augure donc difficilement un sort meilleur pour ces gens-là.
En définitive, on ne peut se lamenter sur ces gens . Ils sont d'une histoire ancienne, qui est révolie. On ne peut blâmer le développement de la connaissance. Il est l'évolution logique de l'espèce humaine. On ne peut que regretter la lenteur de l'éclosion d'une éthique universelle, mais probablement est-ce le défi le plus difficile, car il n'est pas dans la nature humaine de ne faire que le bien. Les religions millénaires sont justement la manifestation d'un élan vers la construction d'un homme meilleur. L'homme est-il prisonnier de sa condition d'homme ? Oui, certainement ! Il doit donc utiliser d'autres leviers pour prendre le recul nécessaire, et les bonnes décisions.

Courbe d'apprentissage : passage obligé ?
Il ne faut pas nier la capacité de l'homme à améliorer de façon significative certaines technologies réputées polluantes. La réducation de la consommation des voitures est un exemple ... n'est certainement pas terminée. Ce progrès n'efface pas pour autant l'empreinte écologique de l'activité humaine, ne serait-ce qu'en raison de l'environnement grandissant des objets utilisés par l'homme au quotidien, ce qui se traduit par une ponction toujours croissante de ressources naturelles et un volume de déchets augmentant simultanément.
Cependant, l'acquisition de la connaissane ne suppose-t'il pas le passage par des étapes de balbutiement, semblables à l'apprenti-plâtrier qui va échouer de multiples fois avant de réussir son premier mur. Entre-temps, il aura gaspiller une certaine quantité de plâtre, car il n'aura pas été asssez rapide dans son geste, et sa matière à enduire aura séché. L'apprentissage suppose donc un phénomène d'expérience incontounable. Le développement technologique serait donc soumis au même principe, permettant aux générations futures de capitaliser sur les échecs de leurs ascendants, pour améliorer à leur tour les procédés.
Il aura fallu des décennies d'expérience du lavage de linge en machine, pour progressivement améliorer les méthodes de lavage, aboutissant aujourd'huin à des techniques de nettoyage à des températures plus basses, et demain peut-être à l'utilisation des procédés par ultra-son ... faisant l'économique de l'eau et de la lessive. On ne peut demander à chacun de continuer à utiliser des méthodes datant de l'âge de pierre, en attendan patiemment la mise au point de la solution idéale, pour passer à de nouveaux procédés de travail, car l'expérience ne s'acquiert que par le franchissement successif de différentes étapes.

Et le bonheur ... c'est quoi ?
La question est de savoir si les capacités phyiques de la planète sont suffisantes pour endurer le "gaspillage" intermédiaire, avant la découverte de la bonne soluion. Les pronostics sur ce plan sont pessimistes, étant donné que l'on évoque de façon alarmiste la destruction des écosystèmes. L'homme serait donc en danger, alors qu'il est depuis des millénaires encore et toujours en phase d'apprentissage dans de nombreux domaines. Le principe de précaution serait alors de rigueur, mais il est perçu comme une contrainte à l'évolution de la connaisance - qui rappelons-le se nourrit de l'expérience pour avancer).
Y aurait-il donc un paradoxe absolu entre les caractéristiques de la nature humaine - développer son capital de connaissance - et la pérnité de l'humanité ? L'homme serait-il condamné irrémédiablemen pour le simple fait d'avoir voulu savoir ? Le développement du savoir - parce qu'il implique l'expérience (parfois malheureuse) - serait-il un crime contre l'humanité ?
Le seul échappatoire au processu infernal de destruction que suppose l'acquisition de connaissance est la définition du bonheur. Une fois que celui-ci aura été clairement identifié, il sera possible de réorienter la recherche dans des directions répondant parfaitement à sa réalisation. On devrait ainsi êviter de s'égarer dans des domaines d'activités à forte empreinte écologique et n'apportant qu'une illusion du bonheur.

C'est donc bel et bien un plan de redéfinition des conditions de son bien-être que l'homme doit entreprendre, afin de ne pas user et abuser des ressources de la Terre impunément, sous prétete de son apprentissage.


(écrit le 22.07.2006)

lundi 22 août 2011

Bâtir le développement futur sur de nouveaux référentiels

Aujourd'hui, beaucoup d'entreprises  restent encore méfiantes à l'égard de la problématique de développement durable. Tout au plus, font-elles de la communication externe sur ce sujet, mais nombre d'entre elles n'ont pas véritablement intégré les principes de la soutenabilité (corporate sustainability) au sein-même de leur organisation, car elles y voient une menace pour leur "business model" (et donc leur rentabilité).

Le modèle économique contemporain sous pression
Le concept de développement durable reste encore moyennement accepté et assimilé dans les milieux économiques, car synonyme de remise en cause de l'économie de marché et par conséquent du profit. Est-ce raisonnable d'ébranler le seul modèle économique (le capitalisme) qui a résisté et su apporter une prospérité à ceux qui l'ont mis en application, alors que l'on a assisté à l'effondrement des autres thèses économiques qui promettaien elles ausi le bonheur à tout un chacun ?
Notons toutefois que le modèle libéral vit actuellement des moments difficiles - comme le témoigne la chute estivale des marchés financiers - qui devrait inciter plus que jamais (!) a apporter les nécessaires adaptations.

Le développement durable en appelle à la responsabilité du système économique pour deux raisons :
- 1) Internalisation des coûts externes : depuis la Révolution industrielle, le développment économique a ignoré (ou négligé) les répercussions environnementales qu'il engendrait. Le développement durable entend intégrer dans tous ls projets et activités économiques, les coûts éventuellement nécessaires pour la préservation de l'environnement.
- 2) Le concept et modalités de création de richesse : l'accumulation sans fin des richesses dans le modèle libéral trouve ses limites dès l'instant que l'on prned en considération le capital naturel qui la planète met à la dispostion de l'humanité. Ce capital naturel est lui-même limité, et toute atteinte à son intégrité est une menace pour la créaton future de richesse. Il devient nécesaire de prendre en considération cet aspect, si l'homme veut assrer sa prospérité.

L'entreprise : terrain idéal d'expérimentation de nouvelles pratiques ?
Dnas ce contexte, l'entreprise parviendra difficilement à imposer un nouveau concept de produits/services respectueux de l'environnement, si celui-ci est plus cher que les offres traditionnelles concurrentes ... Sauf à adopter une approche de type alarmiste, consistant à générer un climat de peur chez le consommateur. Il risque fort qu'une telle stratégie n'entraîne un effondrement de la consommation, par crainte de l'avenir, ce qui produirait l'effet complètement inverse à la politique de responsabilité à mettre en place.

Il semble aujourd'hui relativement illusoire de vouloir imposer un produit/service à caractère authentiquement durable, via la même stratégie commerciale que pour n'importe quel produit (le traditnonnel mix des 4P : produit, prix, place, publicité), car on ne peut raisonner en matière de développement durable, comme dans un schéma économique claissque.

Toute politique engagée en matière de soutenabilité impliquerait de redéfinir les règles de comportement individuel à l'intérieur de la communauté à laquelle il appartient, ainsi que les principes d'interraction entre l'homme et son environnemental naturel.
Pour reprendre la terminologie usuelle des professionnels du management, l'homme est actuellement assimilé à du capital humain - tout comme les ressources énergétiques que nous utilisons sont du capital écologique. L'emploi du mot "capital" trouve ici tout son confort d'utilisation, car il a indubitablement une connotation financière qui sous-entend l'accumulation matérielle.
Les indicateurs de croissance économique tels que le PNB (produit national brut) - ou GNP (gross national product) - ne reflètent absolument pas le degré d'expansion du bien-être individuel à l'intérieur du cadre de vie habiutel de chacun.


Einstein disait qu'un problème ne peut être résolu par celui qui l'a engendré. Il semble bien que nous ayons aujourd'hui des difficultés à propager de nouveaux référentiels. Toute tentative d'encadrement du concept de développement durable à l'intérieur du cadre et des indicateurs économiques actuels restera vaine. Cela reviendrait à vouloir évaluer le degré de performance de l'entreprise en matière de sécurité au nombre d'accidents survenus sur une année, plutôt qa'aux mesures de précaution mises en place (formation, sensiblisation, etc ...).
On ne peut construire et évaluer les résultats d'une politique sans de bons de indicateurs.

samedi 20 août 2011

Capital humain (1) : l’une des dernières ressources à volonté non suffisamment valorisée

Le monde des affaires est très largement guidé par la recherche intrinsèque de l’accumulation du capital (la création de valeur financière) et tous les arguments en faveur de la construction d’un monde axé sur le développement humain ont du mal à se faire entendre.

La crise économique et la nouvelle chute des marchés financiers démontre encore la course inconsidérée après le gain matériel, au dépend de l’épanouissement personnel et collectif. Il faut repenser le concept de prospérité et la place de l’éthique dans l’économie.


Dans une première partie, il est fait un bref constat de plus d’un siècle de capitalisme et du facteur humain dans l’économie.

Dans une deuxième partie, seront exposées quelques modalités de mise en application de principes éthiques dans les organisations, en vue d’une pleine contribution du capital humain au résultat de l’entreprise.


La nécessité du processus vital
D’un côté le créateur d’entreprise se fait prendre à son propre jeu de création de richesse, au risque parfois d’oublier que le capital humain est sa ressource l a plus précieuse. De leur côté, les salariés attendent parfois trop d’une entreprise : sécurité de l’emploi, conditions financières et avantages divers en augmentation constante. Il faut briser ce système, qui n’engendre que la rigidité, car salariés et actionnaires partagent de façon perpétuelle des objectifs opposés. Il faut engendrer un système économique basé sur la réciprocité des prestations, sur la notion de services rendu, et non de (soi-diante) création de valeur.

L’accumulation du capital trouve son origine dans la volonté de s’affranchir de la « nécessité du processus vital », thèse d’Hannah Arendt (*) selon laquelle l’homme est contraint de travailler pour satisfaire ses besoins physiologiques. De tout temps, l’homme a tenté de se soustraire à cette nécessité, en accumulant des biens. Vouloir s’affranchir de cette nécessité, c’est oublier que l’homme fait partie intégrante de la nature, et que celle-ci ne fonctionne que sur la base d’un processus perpétuel de renouvellement. Chaque saison revient chaque année, rien n’est fait une bonne fois pour toute.  L’homme ne peut s’extraire de ce phénomène cyclique, qui est le fondement-même de son existence.

Une ère capitaliste très prospère en terme de création de richesse
Si au cours du capitalisme du 20ème siècle, des progrès considérables ont été réalisés en matière de santé, sécurité et confort de vie, la persistance des systèmes économiques traditionnels que l’on rencontre encore dans les pays d’Afrique, par exemple, tendrait à prouver qu’ils parviennent à réaliser un juste équilibre entre bien-être individuel et collectif. Ces systèmes se caractérisent par une absence d’indusie au sens occidental du terme, i .e. d’activités basées sur ces normes de travail et de productivité bien précises.

Il semblerait qu’à l’origine de la frustration constatée chez l’homme d’aujourd’hui, se trouve l’avènement du travail à la chaîne (dans un souci constant de recherche de la productivité) ,et de tout ce qui s’y apparente, i.e. tous les travaux remplissant les 3 caractéristiques suivantes :

-         réalisation de tâches répétitives s’insérant dans un processus renouvelé en permanence tout au long de la journée

-         performance de l’exécutant mesurée sur base de sa productivité, et non de sa créativité

-         activités qui pourraient facilement faire l’objet d’une automatisation, si l’homme se donnait les moyens de concevoir les machines adéquates.


Les secteurs d’activité concernés sont nombreux ; textile (tissage, couture …) ; constructions de biens d’équipement (auto, machines, matériel électronique …) ; industrie agro-alimentaire (conserveries, plats préparés, …) : services (tâches d’encodage, caisses de supermarché, travail de chargement/déchargement, conduite de rain.

Eu égard aux capacités prodigieuses du cerveau humain, il paraît de moins en moins acceptable que la réalisation de tâches ne laissant pat à aucune créativité, ni initiative personnelle – soit malheureusement le quotidien de certaines personnes tout au long de leur vie – soit encore une pratique courante.

Soutenir que certaines personnes se satisfont de cette situation et ne demande rien de plus est un argument facile pour taire le problème. Semblable à un muscle, le cerveau humain réclame un stimulus pour se mettre en activité.


C’est sur le plan humain, que le plus gros reste à faire …
Depuis le 18ème siècle (la période des Lumières), la science a prodigieusement progressé. S’il reste aujourd’hui encore une multitude de phénomènes ou procédés à découvrir (que ce soit en médecine, astronomie, biotechnologie , etc …), il faut admettre que l’homme a aujourd’hui les connaissances suffisantes pour bien vivre. L’aventure spatiale, la miniaturisation des outils de communication, les OGMs ne sont a priori pas des domaines de recherche vitaux pour la pérennité de l’espère humaine.

A l’opposé, les sciences humaines et sociales accusent un retard considérable par rapport aux disciplines scientifiques et techniques (appelés sciences dures). Pour preuve, l’incompréhension des peuples entre eux, les difficultés à motiver les salariés dans l’entreprise, la complexité du travail en équipe, les situations de plus en plus fréquentes de marginalisation. Si le comportement humain reste un mystère (au même titre que celui de la plupart des êtres vivants, en raison de son éminente complexité, la marge de progrès est quand même importante.


Dans le modèle capitaliste, l’homme est d’abord une force de travail, un « outil », comme le cite Anna Arendt. Dans le processus d’accumulation de richesse, il ne peut être fait de sentiment sur la force de travail. Il y a donc un conflit permanent entre le management et la base. Tous les efforts pour masquer cet état de fait (gestion de carrières, primes, …) ne sont bien souvent que des subterfuges. Ils correspondent rarement à une volonté délibérée d’épanouissement de la personne.

Cette mission est principalement dévolue à la religion et aux organismes caritatifs. Comme tous les autres systèmes qui lui ont précédé (le féodalisme, les empires …), le capitalisme dans sa forme actuelle est probablement voué à disparaître, car il a échoué sur le volet humain. Il n’a pas recueilli l’adhésion de la masse, et est donc dans une position précaire permanente.

Le seul système économique qui perdurera sera celui qui placera l’homme en son centre.



(*) Se référer à son oeuvre de philosophie fondamentale intitulée "La condition de l'homme moderne" (1957)

dimanche 24 juillet 2011

Plan d’action pour sauver le caractère inclusif de la microfinance

La microfinance est un sujet de plus en plus populaire. Expérimentée depuis plusieurs décennies dans les pays du Sud, et plus récemment dans le Nord, elle a fait l’objet de nombreuses enquêtes (reportages télévisés ou dans les journaux ) auprès des bénéficiaires de ces fameux micro-crédits, afin de se rendre compte de l’impact concret sur leur vie quotidienne. Les résultats ont parfois montré des situations désastreuses dans les pays du Sud notamment, jetant un discrédit sur ce mode d’assistance destinés justement aux personnes en difficulté. Même s’il s’agit plutôt d’épiphénomènes, il y a lieu de prendre des mesures pour éviter une généralisation.  


Les risques de financiarisation de la microfinance
Lors de l’introduction en bourse de SKS (1) en juillet 2010 (la plus grande institution de microfinance indienne, controversée suite à la brusque vague de suicides de preneurs de crédit intervenue en Inde en 2009 et 2010), Muhamad Yunus avait exprimé des doutes sur ce modèle, en livrant au dirigeant de SKS les propos suivants : « Au travers de cette introduction en bourse, vous lancez un message aux souscripteurs qu’il existe une opportunité énorme de gagner de l’argent avec les pauvres. Il s’agit d’une idée qui m’indigne. La microfinance doit aider les pauvres à se constituer un capital, non pas à s’en déposséder au profit des riches ».

Vikram Akula, CEO de SKS avait répondu à ce point en affirmant qu’une entrée en bourse est un moyen de lever des fonds en importance suffisante pour pouvoir accorder des prêts à tous les nécessiteux de la planète. Selon Yunus, ce raisonnement est réducteur, car il élude une partie de la fonction bancaire de la microfinance : celle de collecter les dépôts. En pratique, il faudrait que les IMF – Institutions de Microfinance – puissent bénéficier d’une licence bancaire les autorisant à collecter des dépôts (leur permettant ainsi d’accéder à une plus grande autonomie financière). Assez généralement, les pays concernés par la microfinance sont plutôt réticents à élargir les conditions d’éligibilité au statut de banque, car cela impose automatiquement des contraintes en matière de contrôle des risques et de reporting notamment, qu’une petite structure ne peut pas assumer.

Le secteur de la microfinance s’est donc naturellement tourné vers les sources de financement extérieures, afin de satisfaire sa croissance. Soit sous forme de dons, dans le cadre de programmes de coopération par exemple, soit sous forme d’investissement au travers de structures de type fonds (les MIVs : Microfinance Investment Vehicules).

Le phénomène des MIVs : Luxembourg, leader mondial incontestable
Les premiers fonds d’investissement en microfinance ont moins d’une quinzaine d’années. Le premier a d’ailleurs été créé au Luxembourg en 1998. A fin 2010, les fonds d’investissement de croit luxembourgeois (35 sur env. 110 fonds recensés dans le monde) rassemblaient près de USD 3,2 milliards sous gestion, ce qui représente environ 47 % des actifs mondiaux sous gestion (6,8 milliards) pour cette classe d’actifs.
7 des 10 véhicules les plus grands en termes d’actifs sont logés à Luxembourg. Ces véhicules ont été créés sous forme de SICAV, SIF, SICAR ou de véhicules de titrisation.

Les quelques 110 fonds existant dans le monde ont le défaut d’investir quasiment tous sur le seul segment rentable, comprenant +/- 250 institutions qui représentent 80 à 90 % du volume d’encours de crédit (2). Ceci démontre que les plus grosses IMF n’ont pas de difficulté à se refinancer.
Ce déséquilibre est une source de préoccupation, pour deux raisons principales :

- d’une part, il fragilise la microfinance, en rendant la tête assez vulnérable aux capitaux du Nord. Ainsi, il est reproché à la profession – sous le prétexte de satisfaire les exigences des fonds étrangers en matière de performance financière – de gérer son propre compte de résultats, plutôt que celui de ses clients. Franck Renaudin, Directeur d’Entrepreneurs du Monde, l’ONG française spécialisée en microfinance précisait en Juin 2009 : « Oui, la tendance, depuis plusieurs années, est de mettre la priorité sur la viabilité des IMF plutôt que sur celle des emprunteurs ! ».

- d’autre part, cet apport de capitaux étrangers aussi mineur soit-il – il est estimé entre 10 et 20 % des flux totaux en microfinance (le reste étant des capitaux locaux) – tend à donner au Nord plusieurs fausses images de la microfinance.

Les solutions à mettre en place pour renforcer l’efficacité de la microfinance
Le premier biais est de laisser croire que la microfinance répond à une logique de marché financier (i.e. le rendement prouve l’efficience du modèle). Le deuxième est de résumer la microfinance à une question de moyens financiers. Or, le crédit n’est probablement pas l’élément le plus important, car les bénéficiaires ont déjà souvent accès à des sources de financement locales, même si elles sont chères (via les money lenders notamment). Ce qui leur manque en premier lieu est la capacité d’exploiter, mettre en valeur leur propre potentiel : le fameux « empowerment ». Pour exploiter ce potentiel, cela sous-entend d’abord de disposer de moyens éducationnels (i.e. avoir accès à la connaissance) et structurels (pouvoir disposer d’infrastructures de base, tels que les  routes ou l’électricité sans lesquelles les gens restent coupés du monde et sont donc voués à une stagnation).

Face aux nombreux malentendus sur le concept-même de microfinance et aux mauvais pratiques qui en découle, il est nécessaire de mettre en œuvre certaines mesures correctrices. Deux grandes catégories de mesures sont à relever : tout d’abord, mener une action au niveau institutionnel et politique des Etats du Sud, afin qu’ils engagent les investissements nécessaires en matière d’infrastructures, d’éducation et de santé (comme évoqué dans le paragraphe précédent). La microfinance à elle seule n’est pas en mesure de pallier tous les défauts, toutes les carences de l’environnement dans lequel les populations défavorisées vivent.

Parallèlement à ce train de mesures absolument indispensable – mais pour lequel les acteurs de la microfinance n’ont pas beaucoup d’influence – il est possible de relever quelques actions « quick results » qui permettraient, en attendant des évolutions positives sur le front politique, de mieux contrôler ce qui se passe sur le terrain.


Concrètement, quel plan d’actions mettre en œuvre ?

4 axes majeurs sont à relever :

AXE 1: normaliser le secteur en mettant en place des règles de bonnes conduite, des bonnes pratiques et un cadre réglementaire : de manière classique, lorsque l’on constate des abus dans une activité, il y a lieu de s’interroger si des systèmes de contrôle auraient pu prévenir l’incident. Il est reconnu par tous que la microfinance n’est pour le moment pas suffisamment régulée, ce qui explique que se côtoient sur un même pied d’égalité aussi bien des ONGs relevant d’une démarche purement sociale, que des institutions commerciales travaillant plutôt dans une logique de revenu. Il est probablement important de conserver cette diversité d’acteurs, mais il est cependant indispensable d’instaurer des règles et normes professionnelles communes à tous, principalement dans un souci de protection du consommateur. Une initiative de plusieurs IMFs travaillent sur l’élaboration de Principes de Protection du Client. De façon résumée, voici les 6 points identifiés :
1- éviter les situations de surendettement, en s’assurant de la capacité de remboursement de l’emprunteur
2- tarification (des crédits notamment) transparente et responsable
3- suivi des remboursements non coercitif
4- comportement éthique des employés
5- mise en place d’une procédure de plaintes / réclamations
6- non-divulgation des données privées du client

AXE 2 introduire des outils pointus de mesure de la performance sociale Dans le verdict sur l’efficacité de la microfinance, l’avis du client est incontournable. Or, l’auto-évaluation par l’IMF elle-même est encore très largement répandue. Si tous les acteurs le reconnaissent, peu nombreux encore sont ceux qui déploient les instruments nécessaires pour mener ce genre d’évaluation. Cela présuppose des moyens humains et des capacités de traitement de l’information récoltée importants, donc coûteux en temps et argent.
La question de la performance sociale a toujours été dérangeante, car elle peut avoir un impact négatif sur la capacité de l’institution à lever des fonds. Ce sujet a ainsi souvent été éludé dans le passé, sous prétexte que la microfinance est déjà par définition sociale. Les vagues de suicides, soupçonnées d’être plus ou moins en rapport avec des bénéficiaires de microcrédit ultra-endettés, pourraient en cause ce type de certitudes.

AXE 3considérer l’investissement en microfinance avec un certain esprit philanthropique
Dans sa définition originale – assistance technique et formation associées à la mise à disposition de microcrédits à des fins de production (et non de consommation) - la microfinance dépasse largement celle de simple produit financier. Vue la composante indispensable de l’assistance technique et de la formation dans l’accompagnement de l’emprunteur (trop souvent tronquée pour des impératifs de rentabilité !), l’investisseur doit être prêt à accepter une rémunération moins attractive que pour un investissement équivalent en risque. La pratique d’une microfinance responsable explique pourquoi il est si difficile d’atteindre l’autosuffisance financière, et dès lors pourquoi les IPO d’institutions de microfinance sont toujours l’objet de multiples controverses.

AXE 4: renforcer les critères de labellisation des investissements en microfinance
Les axes d’actions précédents devraient se retrouver parmi les critères de labellisation des véhicules d’investissement en microfinance. Par définition, un label a pour objectif de reconnaître les bonnes pratiques. Sa réputation repose sur l’étendue de son champ d’investigation. Lancé en 2006, le label luxembourgeois LuxFlag a par exemple renforcé ses critères d’exigence, dès 2009, afin d’y intégrer notamment des aspects de performance sociale.

La labellisation a une fonction importante dans les secteurs d’activité en voie de structuration, car elle donne des repères. Dans un secteur autant sujet à polémique que la microfinance, l’exigence doit rester élevée.


(1) IPO souscrite 18 fois ! Voir également les articles suivants :
- the Indian Microfinance Crackdown (mars 2011)
- Can Microfinance grow up without forgetting their roots ? (août 2010)

(2) Les 5 premières IMF mondiales représentent presque la moitié des encours mondiaux de microcrédit (2001 -World Bank Statistics)

jeudi 21 juillet 2011

Relation Entreprise-Association (2) : sortir du ‘politiquement correct’ pour vraiment en tirer profit

Nous clôturons ici notre réflexion en 2 parties, sur les perspectives prometteuses des partenariats entre les entreprises et les associations.
Dans la première partie, nous avons souligné les bienfaits pour l'Entreprise des partenariats avec le monde associatif.
Dans cette dernière partie, nous évoquerons le rôle prépondérant que les Associations peuvent jouer pour une économie servant l'intérêt général.

Un potentiel encore peu exploité
Les stéréotypes ont la vie dure et la relation « Entreprise-Association » en souffre. Le cas du marché luxembourgeois démontre, comme partout, la relation méfiante entre ces deux mondes. Hormis les exemples de collaboration précédemment mentionnés, il existe relativement peu de collaboration entre la communauté des +/- 100 ONG agréées et la place financière, par exemple, qui représente entre 30 et 35 % du PIB du pays, et apparaît donc comme une manne potentielle de revenus importante.

Les quelques beaux succès enregistrés sont essentiellement dans le secteur de la microfinance, que l’on sait être fortement soutenu par le gouvernement : le LMDF (Luxembourg Microfinance Development Fund) qui a réussi à attirer des investisseurs privés, avec l’appui de l’asbl ADA ; le partenariat à long-terme de SOS Faim avec la banque Raiffeisen ou encore le lancement d’un Employee Volunteering Programme en partie soutenu par KBL European Private Bankers avec le concours d’Aide au Vietnam et du Comité de Soutien de la Microfinance.

De façon élargie à la place financière, n’oublions pas l’ATTF (Agence de Transfert des Techniques Financières), asbl dont la mission est d’aider des pays dans la structuration de leur secteur financier, mais il s’agit à nouveau d’une initiative bénéficiant d’un fort appui de la puissance publique.

Quid dans d’autres segments de la vie sociale ? Hormis les grands noms tels que Médecins Sans Frontières, Croix Rouge ou encore Greenpeace, qui s’appuient sur la puissance de leur réseau international pour négocier des partenariats à l’échelle des multinationales, l’immense majorité des acteurs de la société civile luxembourgeoise ne veut, ne peut ou ne sait pas nouer des contacts avec le monde économique.

Du côté des entreprises, celles qui parviennent à s’engager dans une relation durable avec le secteur associatif acquiert un avantage compétitif déterminant, car elles développent une expérience de la gestion de situations complexes caractérisées par le conflit entre points de vue et d’intérêts divergents (phénomène qui deviendra de plus en plus fréquent dans l’avenir, face aux défis sociaux et environnementaux qui s’annoncent).

L’asbl, apte pour accompagner la transition vers une économie durable
A la différence des structures juridiques de type SA, Sarl, SICAV, etc … dont l’objet est facile à définir (la réalisation d’une activité à caractère commerciale ou financière), le statut d’asbl est plus difficile à appréhender. Quel point commun entre l’ALFI (Association Luxembourgeoise des Fonds d’Investissement) et l’asbl soutenant la formation de professeurs en Afrique ? Toutes les deux sont au service d’un intérêt général : dans le cas de l’ALFI, le soutien à l’industrie des fonds d’investissement, dans le deuxième cas, le soutien à l’enseignement. La première vise directement le secteur privé, la création de richesse, qui se traduit notamment en terme d’emplois (logique économique) ; la seconde a une portée purement éducative, voire sociale (même si l’on sait que l’éducation contribue directement à un avantage concurrentiel sur le plan économique, et donc profite in fine au secteur marchand).

Aujourd’hui, le secteur associatif souffre d’une image brouillée – reflet de la diversité du monde –rendant l’intérêt défendu parfois difficilement perceptible.
On observe cependant une professionnalisation croissante des asbl, voire même l’émergence d’association inspirées par une démarche professionnelle, qui tentent d’associer le meilleur de l’entreprise et de la société civile : la rigueur opérationnelle et les méthodes managériales, d’un côté ; le courage de défendre des causes méritantes et la connaissance du terrain, de l’autre. Relevons à ce titre Friendship Luxembourg, asbl qui, avec l'appui de la Banque de Luxembourg, soutient notamment la filière de la pêche artisanale au Bangladesh en proie à des usurieurs contrôlant l'ensemble de la chaîne de valeur du poisson, mais aussi Life Project 4 Youth s’attaquant à la réinsertion professionnelle de jeunes entraînés dans la spirale de la marginalisation aux Philippines, avec une équipe expérimentée installée depuis longtemps sur le terrain. Enfin, le Comité de Soutien de la Microfinance, qui se positionne comme structure intermédiaire pour faciliter le développement de projets d’investissement à forte plus-value sociale et environnementale.

Savoir gérer la complexité du monde de demain
Comment créer une dynamique entre le monde économique et le monde de la société civile ? Comment capter les ressources professionnelles et bénévoles de la génération Y, qui demain devra résoudre les grands défis de l’humanité: pollution, changement climatique, déséquilibres démographiques, pauvreté, etc …. ? Comment tirer bénéfice des deux côtés d’une collaboration ?

Des solutions existent avec des moyens et des budgets à la portée de tous.

Je reste à votre disposition pour toute question sur les outils et conditions à mettre en oeuvre, pour développer une relation « entreprise-association »et en tirer réellement profit : d’un côté en terme d’adaptation de la culture d’entreprise, voire de l’offre de produits et services à un environnement changeant ; de l’autre côté en terme de renforcement de moyens pour soutenir une cause.



Remarque :
Cette analyse pésentée en 2 parties a fait l'objet d'une publication sous un seul article intitulé "Entreprises-Associations : dépasser le politiquement correct pour enfin en tirer profit", dans l'édition de JUIN 2011 du journal économique mensuel Agefi Luxembourg
Voir http://www.agefi.lu/

lundi 18 juillet 2011

Relation Entreprise-Association (1) : sortir du 'politiquement correct', pour vraiment en tirer profit

Nous ouvrons ici une réflexion en 2 parties visant à explorer une approche souvent décriée comme étant antagoniste. Au contraire, elle est pleine d'avenir.
Dans cette première partie, nous soulignerons les bienfaits pour l'Entreprise des partenariats avec le monde associatif.
Dans une deuxième partie, nous évoquerons le rôle prépondérant que les Associations peuvent jouer pour une économie servant l'intérêt général.


Lors d’une conférence donnée pour IMS Luxembourg (Institut du Mouvement Sociétal) en juillet 2010, sur le thème de la relation « Entreprises-ONG », j’avais souligné la difficulté de faire travailler ensemble deux mondes qui ne sont pas habitués à se parler, mais qui pourraient chacun y trouver leur intérêt, en définissant correctement le cadre du partenariat. Nous ne parlerons pas ici spécifiquement des ONG, mais de toute organisation sous un statut d'association ou de fondation.

Un outil de plus dans une stratégie de Talent Management
De nombreuses études (1) démontrent – chiffres à l’appui – d'une part la sensibilité des salariés du milieu de l’entreprise à l’attention que leur employeur prête au secteur non-marchand, et  d'autre part le bénéfice que les employeurs peuvent en tirer en terme de gestion des ressources humaines. On évoquera ici le domaine social, environnemental, humanitaire ou encore de l’aide au développement. Il serait également possible d'inclure le secteur de l’économie sociale qui a aussi la particularité d’être gouverné par des principes d’équité.

Si les salariés, en tant que personnes, ont tendance à considérer l’action sociale comme un complément, voire un équilibre indispensable à une vie professionnelle, qui s’exerce souvent dans un cadre peu réceptif aux préoccupations de ce type, les entreprises ont naturellement de nombreuses raisons pour ne répondre que timidement. Probablement à tort, car le coût – qu’il faut budgéter – pour coopérer avec le secteur non-marchand est largement compensé en terme d’image sur un horizon à moyen terme.

Soigner son image
Certes, il existe les classiques objections considérant que la seule responsabilité de l’entreprise est de générer du profit pour ses actionnaires ou encore le fait que les entreprises ont déjà très largement amélioré les conditions de travail de leurs salariés (flexibilité du temps de travail, mise à disposition d’installations telles que salles de sport, services de massage, etc …).

Dans un monde ultra-connecté, réduit de façon caricaturée à la taille d’un village en terme de rapidité de communication, quoi de plus précieux pour une entreprise que son image vis-à-vis du public (notamment clients et marché de l’emploi) ? Le risque de réputation justifie aujourd’hui un suivi attentif, et par conséquent des réponses appropriées, dont la démarche citoyenne (la fameuse RSE – Responsabilité Sociale de l’Entreprise) fait partie.

Y trouver chacun son intérêt
Quelques initiatives de taille sont à noter, démontrant que la collaboration entre le monde économique et le secteur de la société civile est possible, au bénéfice de tous : un partenariat de longue date (2) entre la Banque et Caisse d’Epargne de l’Etat (BCEE) et etika – asbl promouvant la finance alternative – portant sur le soutien à des projets à caractère social ou environnemental. D’un autre côté, BGL BNP Paribas a mis en place une véritable stratégie d’encouragement aux initiatives associatives, d’une part en incitant ses employés à s’impliquer dans de telles activités, d’autre part en offrant des conditions spéciales aux asbl ouvrant un compte dans cette banque. Pour son projet de prêt de compétence qui sera mis en place sous peu, BGL BNP Paribas s’est notamment inspiré de sa maison-mère à Paris qui a lancé dans plusieurs pays dans lesquels le Groupe est présent une structure d’assistance volontaire et bénévole dans le domaine de la microfinance.

Secteur bancaire : une ouverture prudente vers de (bons) partenariats
Dans ces deux exemples, chaque partie y trouve naturellement sa motivation et son intérêt. Il faut définitivement encourager ce genre d’approches, car là où il n’y a pas d’intérêt, il n’y a pas de collaboration efficace et fructueuse. Cela risque fort de se limiter à de la simple démarche RSE par obligation et en conséquence peu profitable pour les parties concernées : les employés pouvant difficilement faire valoir leur expérience acquise dans le volontariat lors de leur évaluation annuelle par exemple ; l’entreprise n’étant pas capable de transformer la collaboration en opportunités commerciales, car se focalisant exclusivement sur le coût de l’opération ; le partenaire de la société civile parvenant difficilement à construire une relation de confiance, car manquant de visibilité sur les intentions de l’autre partie. On voit ainsi se développer des évènements de type « social day » relevant finalement plus d’une démarche de mobilisation interne que de véritable solidarité ou encore des initiatives sporadiques et novatrices qui apparaissent aussi vite qu’elles disparaissent, car soutenues par un sponsor isolé dans l’organisation.
 
Quel que soit le contexte, aucune initiative dans ce domaine ne peut être qualifiée de négative, car il y a toujours au moins un début d'action de sensibilisation. Il faut saluer le courage et la vision éclairée de celles et ceux qui en sont à l’origine. Il est difficile de façon générale de porter de tels projets, car cette démarche n’est tout simplement pas encore inscrite dans l’ADN des organisations marchandes.
 


Attente de l’entreprise vis-à-vis de l’association
Attente de l’association vis-à-vis de l’entreprise
Réputation
Travailler avec une association n’ayant pas une image en totale contradiction avec celle de l’entreprise
Réputation
Travailler avec une entreprise n’ayant pas une image en totale contradiction avec celle de l’association
Nature du projet
Travailler autant que possible sur un projet en ligne avec son métier
Logique de partenariat
Percevoir une volonté réelle d’engagement (sans hypocrisie) et sur un horizon à moyen terme minimum
Ne pas détourner l’attention et la motivation des employés, au dépend de leur travail quotidien
Ne pas être instrumentalisée
Transparence
Pouvoir justifier à tout moment auprès du Conseil d’Administration ou de l’actionnaire, l’utilisation effective des fonds alloué au projet

Organisation opérationnelle
Collaborer sur base d’un plan d’action précis, disposer d’un reporting de qualité (montrer les résultats)
Organisation opérationnelle
Sentir le signe d’une ouverture d’esprit (remettre en cause ses propres jugements), et d’une capacité de faire preuve d’humilité et de patience





(1) Voir notamment les résultats détaillées de l’enquête annuelle de Deloitte sur ce sujet (DeloitteVolunteering Impact Survey)
(2) Ce partenariat se traduit notamment par la gestion de comptes épargne dont une partie des intérêts est utilisée pour accorder des conditions privilégiées sur des crédits finançant des investissements à plus-value sociale et/ou écologique réalisés au Grand-Duché. Voir : www.etika.lu