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samedi 29 janvier 2011

Pour une éthique du progrès (2) : élargir la définition du profit ?

(credit NBC)
Dans la première partie de notre réflexion … nous avons pu constater qu’un débat public est primordial pour tenter de délimiter sous quelles conditions le progrès est acceptable. L’intention n’est surtout pas de le freiner, mais de le mettre au service d’une prospérité rassurante pour les générations futures, et non pas angoissante.


Le confort rassurant des démonstrations mathématiques

Il faut remarquer qu’aujourd’hui, malgré les incroyables progrès dans la connaissance humaine, tant dans le domaine de la psychologie humaine, que de la sociologie, les sciences dures dictent leur loi. Dans le domaine de la finance, par exemple, les grands chercheurs qui ont marqué le courant du 20ème siècle se sont illustrés par des théories bâties en laboratoire, faisant essentiellement appel à des raisonnements mathématiques à partir de l’analyse de corrélation entre des variables de marché (taux d’intérêt, cotations, …).

Dans le domaine financier, on peut ainsi citer la théorie du portefeuille de Markowitz (1952) ou le modèle d’évaluation des actifs financiers de Sharpe (1964) et Lintner (1965). Dans leurs analyses de la valeur, toutes ces théories ont dû délibérément faire abstraction du « non scientifiquement mesurable » (i.e. des aspects comportementaux intervenant dans la prise de décision de chaque agent économique), sinon elles ne seraient pas parvenu à en dégager un modèle. Le problème est que ces modèles sont encore aujourd’hui des outils de référence dans les processus de décision. La décision est donc établie à partir d’un nombre de paramètres limités. Que fait-on de l’histoire, de la culture ou des problématiques sociales liées à des phénomènes localisés dans les analyses économiques et financières ? Autant d’externalités absolument pas intégrées dans la cotation d’un actif et donc dans le risque associé.

S’entendre sur les sources de génération du profit

Le comportement humain pourrait-il se résumer à une équation mathématique ? Le progrès assure-t-il à lui seul l’amélioration de la condition humaine ? L’évolution dangereuse d’une société moderne qui voit, aux USA comme en Europe, disparaître sa classe moyenne et qui devient de plus en plus bipolaire, avec un fort accroissement des populations pauvres et un fort enrichissement d’une frange marginale, apporte la preuve d’une insuffisance dans l’approche par les seules sciences dures pour construire l’avenir.

L’économie est pourtant un levier de choix pour orienter le progrès, car in fine la perspective de commercialisation d’une nouvelle découverte est l’objectif ultime conditionnant en partie le résultat de l’appel de fonds. On constate cependant que l’économie est gouvernée sans réels principes de conduite, mise à part la loi d’une saine concurrence. Tout est presque possible, sous réserve de rentabilité financière. Est-il raisonnable de saluer les bons résultats financiers de la filière pharmaceutique, alors qu’il est de notoriété qu’elle investit prioritairement dans les thérapies du bien-être dans le monde développé (esthétique, Viagra, …), au détriment de fléau universels ancestraux (paludisme) ou plus récent (sida), dont l’effet sur le développement de l’économie mondiale est reconnue comme catastrophique à long terme (sous-développement persistant du continent africain notamment) ?

La science économique a certainement besoin de revoir certains de ces concepts, dans le sens d’une place à faire à de la réflexion éthique. Cela semble clairement antinomique avec la notion de profit. Alors dans ce cas, il faut reconsidérer ce qu’est le profit et la façon de le calculer. La comptabilité a inventé les concepts d’amortissement, de provision, de plus- ou moins-value latente, etc … Pourquoi ne pas créer de nouvelles définitions comptables, permettant aux firmes de mieux valoriser leurs efforts en terme d’impact écologique et social ?

Il faudra nécessairement être créatif, pour réorienter l’économie vers plus de durabilité. Le chemin sera forcément long …

dimanche 16 janvier 2011

Pour une éthique du progrès (1) : fondement pour un développement durable

Se reposer sur l'effort technologique et les inventions nouvelles, pour trouver de nouveaux relais de croissance est-il un raisonnement responsable ? Chaque bond technologique s’accompagne de questions éthiques de plus en plus délicates, auquelles il faudra trouver une réponse.

Quelle interprétation du progrès ?

Qui oserait voir se concrétiser un jour l’avènement d’un monde comme George Orwell se l’imaginait pour 1984 ? Les progrès de la science, dans tous les domaines, sont fulgurants et loin d’être achevés (ils ne le seront d’ailleurs jamais). Ils confronteront de plus en plus l’humanité à des grandes interrogations sur l’orientation du futur.
La recherche et le développement scientifique sont à la fois l’œuvre et le fruit d’un accroissement constant de la connaissance. Mais le développement de la connaissance renforce parallèlement le besoin de consolidation éthique de nos agissements. De façon alarmante, les sciences dures étouffent les sciences humaines, car elles sont de plus en plus considérées comme le seul salut de la croissance économique. De tout temps, les ruptures technologiques ont été sources de relance économique. La révolution industrielle naît par exemple avec le développement de la machine à vapeur. Plus loin encore, le travail des métaux ou encore le moulin à vent sont le déclenchement d’un grand bond en avant sur le plan des activités de production.


Pour une gouvernance du progrès

Au fur et à mesure que les progrès avancent, le besoin de réflexion éthique se fait donc de plus en plus criant. Une éthique appliquée au progrès devient essentielle, non dans une perspective de ralentissement de ce dernier, mais dans un objectif de compatibilité du progrès avec des valeurs essentielles pour la préservation de l’espèce humaine. Faut-il se résoudre à des évolutions irrémédiables de notre cadre et conditions de vie ? Pourquoi pas ! Mais que ce résultat soit alors l’aboutissement d’un processus de consultation à grande échelle, et non le choix d’une minorité agissant en-dehors de toute méthode démocratique. L’éthique doit donc devenir accompagnatrice et non bloquante vis-à-vis du progrès.
Où, comment et dans quelles conditions une démarche éthique peut-elle se mettre en place ? Sur base de quelles instructions, recommandations, influence, un laboratoire d’étude (à financement public ou privé) devrait-il réorienter sa politique de recherche ? Un débat national et même international est idéalement nécessaire, validé par la signature de traités internationaux limitant l’usage et l’application de certaines découvertes jugées périlleuses pour la stabilité de la communauté humaine. Un certain nombre de traités existent déjà dans le domaine du nucléaire, du génome humain, des armes chimiques, … Le respect de ces accords reste toutefois très relatif. Il semble en outre de plus en plus difficile d’aboutir à la signature de tels traités, dans un monde où l’accès à l’information et aux technologies est de plus en plus facilité. Paradoxalement, c’est dans une pareille situation que des ententes devraient être trouvées.

Libérer l’économie

Pour illustrer le manque de recul par rapport au progrès scientifique, il suffit de redescendre à une échelle micro-économique. Un des indicateurs les plus représentatifs des idées et représentations que l’homme se fait de son environnement de vie est les marchés financiers, et peut-être plus encore le cours de l’or (traditionnel refuge des placements en cas de crise). Le krach financier de 2000 matérialisait par exemple le retour à la raison sur les espoirs et attentes dans le domaine des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Quels fondements crédibles avaient justifié un tel engouement ? Dans une économie où l’investissement est la clé de la recherche, les marchés financiers sont incontournables pour lever des fonds. Ils deviennent le partenaire privilégié du progrès, puisqu’à la fois ils alimentent la recherche et en constituent un nouveau levier pour la diffusion des produits et services qui dérivent des découvertes.
A la source du progrès, se trouverait donc l’économie. Inversement, cette dernière serait-elle exclusivement dépendante du progrès ? Le seul salut de la prospérité et du bien-être passerait-il par les technologies ? Les économistes anglais du 18 et 19* siècle, anciens scientifiques recyclés, imaginaient le fonctionnement de l’économie à la manière de celle du système solaire …. c’est-à-dire bâtie sur des lois.

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Pour une éthique du progrès (2)