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dimanche 20 décembre 2009

Microfinance : pas une fin en soi ...

Depuis le début de l'année, la chronique fait régulièrement état d'institutions de microfinance connaissant une recrudescence de défauts de paiement, et de fonds d'investissement accusant pour la première fois une performance moindre, voire négative.
On commence même à annoncer que la fameuse décorrélation de la microfinance par rapport à l'économie "mainstream" a atteint ces limites.

Il me semble que ce n'est que le début ...

Sur base de mes expériences terrain, j'en arrive de plus en plus à la conclusion que rentabiliser la microfinance est quasiment impossible. Il faut concevoir la microfinance comme une phase d'incubation. Une fois qu'elle devient rentable, ce n'est déjà presque plus de la microfinance, mais tout simplement de la finance conventionnelle (street bank). Je n'ai pas de problème à cela, si cette dernière garde l'esprit ("l'éthique" originelle, dirions-nous) de la microfinance.

En conclusion, la microfinance ne devrait pas être conçue comme une finalité en soi, mais comme un vecteur de moralisation de la finance.

Par ailleurs, la microfinance apparaît comme la découverte de ces 30 dernières années, alors que ce n'est rien de plus que le phénomène de bancarisation que nous avons connu dans la 2ème moitié du 19ème siècle en Europe avec l'avènement des banques mutualistes. De la "bonne vieille" finance dans un esprit solidaire orientée vers la collecte de l'épargne et la distribution de crédits pour le financement d'activités commerciales et de production.
La communauté financière a tout simplement oublié quel est le métier de base d'une banque.

dimanche 13 décembre 2009

Du bien-fondé de la microfinance ... en passant par le Laos

Vietiane, Laos - June '09













14 Juin 2009 : venons (23h00 heure locale) d'arriver à Vientiane ... ville fantôme, pas ou très peu de lumière dans les rues. Il y a quelques petits restaurants ou magasins ouverts. Rien à voir avec la fièvre du Vietnam. Ici, il y a probablement 10 ou 15 ans de retard. Les voitures sont peu nombreuses. On est pourtant dans la capitale administrative et économique du pays !!
J'ai lu sur Internet des commentaires de personnes habituées de cette ville, qui la qualifiait de "sleepiest town of the world". Je ne parviens à m'enlever cette expression de ma tête.

Le pauvre Van Ban est un peu épuisé par la chaleur. Je dirais que c'est la même chose pour moi. Si je m'asseois 5 min., je m'endors.
A ce sujet, Vientiane est définitivement une ville sans intérêt : ce n'est pas plus grand qu'une bourgade de campagne. Presque tout est fermé à partir de 19 heures. Il n'y a aucune mendicité dans la rue, mais cette ville ne respire pas non plus le dynamisme. Elle est vraiment endormie.

Nous avons dîné ce soir avec un représentant de la microfinance au Laos, un Hollandais. Il nous a dépeint - ... un peu par provocation selon Van Ban ... - un tableau noir de la microfinance, disant que les gens n'ont pas besoin de crédit, mais d'assistance technique. Ce qu'il entend pas assistance technique : conseil en élevage, en agriculture, formation, éducation. Très bien ! Je lui ai dit : c'est parfait, cela veut dire que Aide au Vietnam fait donc de la microfinance depuis son origine. Je ne savais pas !
En fait, je pense qu'il est irrité par les gens venant d'Europe (comme moi, a-t'il certainement pensé !) avec la ferme intention de sauver le sort des populations pauvres par l'octroi de crédit, alors qu'elles n'en ont pas nécessairement besoin. Je lui ai quand même rappelé que j'en étais bien conscient, et c'est pourquoi la part que j'entends consacrer au microcrédit ne se monte qu'à 6.000 € pour le moment.
Bref un peu curieux le garçon, ... qui m'était recommandé par une personne d'ADA Luxembourg qui le connaît bien. Néanmoins, très intéressant sur le principe. Il confirme mon idée que le projet Chi-Em se rapproche plus d'un projet d'assistance communautaire (à la façon de Bernard Kervyn, Mékong Plus), que d'un projet de microfinance, comme on l'entend usuellement.
Il est clair qu'il y a une très forte déformation du terme, et mes réunions à l'ALFI en sont la caricature : pour tous les financiers de la place de Lxbg (et pas seulement eux d'ailleurs), la microfinance est du micro-crédit pour l'essentiel. Je pense que le concept de microfinance n'est pas encore compris. La microfinance au sens complet du terme est de l'assistance communautaire.
En conclusion, cette rencontre fut quand même très intéressante et instructive. Van Ban était également très satisfait. Après avoir compris tout cela (qui est un sujet nouveau pour lui), je pense qu'il apportera une valeur ajoutée certaine, lors de la visite de Chi-Em. Plus nous sommes nombreux, mieux nous pourrons croiser nos points de vue.

D'une manière générale, le Laos est vraiment pauvre. Le point de vue asiatique de Van Ban est intéressant. Il voit les choses de façon un peu différente de nous. Lorsque je lui ai dis : « je me demande bien de quoi tous ces gens vivront lorsqu’ils seront à la retraite », il m’a répondu : « mais Xavier, c’est comme s’ils étaient déjà à la retraite. Que veux-tu qu’ils attendent de plus ? Ils en profitent déjà ». Déroutant, sa réponse, entendue d’une oreille d’Occidental ! Son analyse mérite d’être interprétée, nous qui ne voyons jamais de répit au temps qui défile …

Le 16 et 17 Juin, 2 jours "touristiques" à Luang Prabang, ancienne capitale du pays (le "Hué" laotien !). Van ban a organisé une visite dans un orphelinat, sur les conseils et contacts de Laotiens "genevois". Toujours intéressant ...
Le 18 Juin, arrivée à Hanoï où l'on retrouve Benjamin et la "petite" Ly (qui sort juste de l'hôpital, après une chute en moto ... rien d'étonnant me diras-tu ! ... heureusement, elle se porte apparemment bien). A partir de là, la cadence du séjour s'accélère ... Nous tombons dans l’Asie du Sud-Est qui surchauffe 24h/24 !

dimanche 16 août 2009

Le Risk Management interpellé par l’urgence d’une finance durable

Moins il y a de responsabilité, de morale ou d’éthique, plus forte est la psychose et plus la fonction de Risk Management est indispensable pour garantir la pérennité de l’entreprise. Jusqu’à un certain point.

Je viens de lire un article co-écrit par un ancien collègue du secteur bancaire, spécialiste du Risk Management. Son article est fort intéressant, voire assez original de la part d’un universitaire plutôt réputé pour publier des ouvrages au contenu très technique, à l’image de cette discipline récente.
L’auteur fait un tour assez complet des principales questions d’ordre sociétale et environnementale qui interpellent aujourd’hui les schémas de pensée dans lesquels la civilisation humaine – d’abord occidentale – s’est confortablement installée avec la plus grande certitude d’avancer dans la bonne voie. Il y a de l’humain dans cet article, comme le souligne notre collègue : « La base est sociétale. « Nous n’héritons pas la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ». Ce proverbe aux origines peu sûres nous rappelle à l’ordre : la base est sociétale ». Voilà une approche des choses qui commence bien et donne le ton général de la réflexion menée tout au long de l’article.

Le paragraphe d’introduction est cependant celui sur lequel je m’attarderai :
« L’histoire récente prouve que les structures et méthodes de Risk Management n’ont pu prémunir les acteurs financiers de la crise actuelle (NDLR : la crise financière de 2008). En examinant le problème par le bout de la lorgnette, il est aisé de critiquer les méthodes de type « Value at Risk » et autres « tests d’endurance » que les Risk Managers manipuleraient trop souvent dans des vases hermétiques à la réalité des affaires.
A l’opposé, bien que scientifiquement fondées, nous devons être capables de remettre ces méthodes en cause et de nous poser à nouveau la question des conditions de leur utilisation. Le moins que l’on puisse attendre aujourd’hui des Risk Managers face aux conséquences de la crise est une prise de (co)responsabilité. Mais plus encore, la profession devrait contribuer à l’éclosion de la finance durable, terreau de notre future Place financière
(NDLR : la place de Luxembourg) ».

La première phrase de cette introduction suscite quelques commentaires de ma part, que voici.
Le Risk Management ne devrait-il pas intégrer de façon plus prononcée, dans ses prérogatives, des analyses anticipatives d’ordre macro-économique, social et environnemental ? Je n’ai pas l’impression qu’aujourd’hui ce genre de risque soit pris au sérieux. Mais le Risk Management a t’il les moyens de prendre en compte des risques globaux, en l’absence de certitudes et de statistiques fiables ?
L’exercice est difficile, mais probablement pas impossible. Il doit être entrepris par étape, en commençant peut-être par intégrer des constats de bon sens, depuis longtemps enterrés car considérés trop simples dans un monde vantant la complexité comme un signe de modernité.
Ainsi par exemple, l’industrie financière prend-elle en compte dans ses modèles de risque le fondement économique des transactions réalisées ? Indicateur simple, mais pourtant très significatif du niveau de risque. Nous savons tous que les opérations purement spéculatives peuvent rapidement devenir un facteur d’instabilité, si elles ne sont pas refreinées. La crise financière a encore une fois prouvé les effets néfastes de la spéculation, lit d’une finance virtuelle qui s’auto-entretient sans lien avec l’économie réelle, jusqu’à ce que la perte de confiance provoque l’effondrement.

Dans ce même ordre d’idée, les banques intègrent-elles un facteur risque sur les produits financiers qu’elles créent, selon que celui-ci est composé d’actifs sous-jacents réels (une action ou une obligation d’entreprise ou à l’opposé, d’un indice boursier, des créances titrisées) ?
Avec de tels indicateurs, il eut été possible pour les opérateurs bancaires d’anticiper la crise, et d’oser en parler dans les conseils d’administration. Car il faut être téméraire, en pleine phase d’euphorie des marchés, pour se prononcer en faveur d’un changement de stratégie ou d’offres de produits et services. De tels indicateurs auraient dû inciter les conseils d’administration à provisionner (au risque de déplaire à l’actionnaire !) pour le risque imminent de retournement des marchés et de l’économie toute entière. On est en plein dans la question de la responsabilité, consistant à s’auto-sanctionner pour avoir participé soi-même à la réalisation du « mal ».

Le même raisonnement pourrait s’appliquer à d’autres secteurs d’activité : le fabricant de console de jeux pourrait intégrer dans son Risk Management le fait qu’il favorise indirectement l’individualisme et qu’il contribue donc à la destruction du lien social, dont on connaît les innombrables répercussions négatives sur l’ensemble de la société. Sans compter qu’il pourrait aussi être attaqué en justice pour des dommages qui tendraient à prouver une dépendance de ses clients aux jeux électroniques.

La tentative de prendre en considération l’intégralité des risques existants entraîne inévitablement un état général de psychose (cf. « La société du risque », d’Ulrich Beck). Il est certain que dans un contexte socio-environnemental qui va connaître des tensions de plus en plus fortes, le Risk Management va devoir étendre de plus en plus son champ de compétence et d’application au fur et à mesure que la menace deviendra plus apparente et concrète pour les entreprises … jusqu’à ce que chaque acteur prenne conscience que le dispositif de monitoring et de mitigation de tous ces risques est trop lourd et qu’il serait tout simplement préférable de redéfinir le fondement moral et éthique des affaires.

En attendant, il faut bien admettre que le Risk Management a de beaux jours devant lui, car la grande majorité de la communauté économique et scientifique élève encore des murs entre les disciplines économique, écologique et sociale, comme si elles agissaient indépendamment les unes des autres. Il serait grand temps d’admettre qu’elles sont indissociables.

lundi 8 juin 2009

« Un modèle mental régit les rapports entre hommes et femmes. Peut-il, doit-il changer ? »

Voici le résumé d'une conférence de Françoise Héritier, à laquelle j'ai assisté le 19 Mars 2009, au Forum "CSR Luxembourg".
La réflexion est d'une très forte intensité ...

Sujet :Les relations sociales dans leur ensemble sont étroitement liées au rapport homme-femme. Ce rapport est depuis l’aube des temps très inégal. C’est au travers de l’anthropologie que Françoise Héritier a cherché à comprendre cette inégalité des sexes qui a notamment pour corollaire une sous-utilisation des capacités individuelles. Ceci a des conséquences négatives à tous les niveaux de la société, se traduisant dans certains pays par des situations avérées de sous-développement – et d’une manière générale par une certaine forme de carence dans la conduite du pouvoir, dont l’entreprise n’est pas exempte, faut-il comprendre en filigrane.


Exposé détaillé :Françoise Héritier est géographe et historienne à l’origine. Elle découvre avec passion l’ethnologie, au travers des cours magistraux de Claude Lévi-Strauss en 1954 et s’engouffre alors dans cette voie. Aujourd’hui professeur honoraire au Collège de France, après avoir été chercheur au CNRS, puis directrice d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, elle est devenue une anthropologue de renom international. La consécration fut sa succession à Lévi-Strauss en 1981, à la chaire d’anthropologie sociale au Collège de France.

Outre ses travaux d’études et de recherches comparatives des sociétés africaines (notamment la compréhension des systèmes de parenté en milieu tribal) – qui constitue l’essentiel de son œuvre – Françoise Héritier est une ethnologue engagée. Elle a mis à profit ses connaissances du milieu familial et communautaire au profit de nombreuses questions actuelles de société, telles que : le sida, les minorités, mais aussi la violence, avec indubitablement en toile de fond la question sous-jacente du rapport homme/femme.

Ses travaux sur le rapport masculin/féminin ont fait l’objet d’avancées majeures dans la compréhension des interactions entre les deux genres de l’espèce humaine, dont on peut aisément décrypter les conséquences dans le milieu du travail et de la vie politique notamment.
Malgré toutes les mesures encadrées par la loi, la position des femmes dans les organes de décision et de pouvoir y est toujours aussi réduite.
Françoise Héritier apporte des explications scientifiques à cette énigme. Ses travaux de recherche l’ont conduite au constat suivant, qui constitue le pilier de toute son argumentation : « On ne trouve aucun système de parenté qui, dans sa logique interne, dans le détail de ses règles d’engendrement, de ses dérivations, aboutirait à ce qu’on puisse établir qu’un rapport qui va des femmes aux hommes, des sœurs aux frères, serait traduisible dans un rapport où les femmes seraient aînées et où elles appartiendrait à la génération supérieure ».
Tout démarre donc d’ici selon elle, au sein-même de la cellule familiale, dès les premières heures et premières années de la vie de l’enfant. Derrière cette thèse - qu’elle nomme la « valeur différentielle des sexes » - il faut y comprendre les faits suivants : depuis l’origine des temps (pour être plus précis, disons entre 750.000 et 500.000 ans av. JC), la femme est l’objet d’un rabaissement systématique vis-à-vis de l’homme. Des savants, à commencer par Platon et Hippocrate, théorisent sur les multiples incapacités et déficiences des femmes, tant intellectuelles que morales.
Encore au début du 20ème siècle, il était dit dans les milieux savants que l’infériorité intellectuelle de la femme est en relation directe avec la petite taille de son cerveau. On avoue même le fait que le crâne de la femme est plus proche de celui des grands singes que de celui de l’homme.
Ainsi, il existait par exemple en France au début du 20ème siècle, une agrégation de mathématiques spécifique pour les femmes, dont le niveau était officiellement bien en-deçà de celle réservée aux hommes. Un manuel scolaire catholique des années ’60 stipule encore à propos des femmes : « Faites en sorte de ne pas l’ennuyer en lui parlant, car ses centres d’intérêt sont négligeables ».

De ces jugements sans fondements, il s’ensuivra une douloureuse démarcation - encore bien saillante de nos jours - entre les domaines de la science à connotation plutôt féminine et ceux à connotation plutôt masculine. Typiquement, les sciences humaines seront considérées comme étant particulièrement bien adaptées aux femmes, car elles sont jugées comme étant moins pointues et rigoureuses que les sciences dites « dures », dont l’exigence en terme de savoir ne serait accessible qu’aux hommes.
Imperceptiblement, ces schémas de pensée vont marquer les consciences, entraînent parfois des réflexes d’autolimitation au niveau de l’ambition professionnelle, certaines femmes ne pensant pas être en mesure d’occuper des fonctions pour lesquelles elles ont pourtant les compétences et qualités requises.

Les récentes recherches en neurobiologie (au travers de l’imagerie médicale) seront pourtant formelles : les caractéristiques et le fonction du cerveau sont identique, quelque soit le sexe (le cerveau est asexué). C’est par l’apprentissage dès la naissance que se créent les neurones et relations synaptiques qui seront utilisées et mis à profit plus tard par l’individu, tout au long de sa vie. Si par exemple, la critique n’est pas travaillée dès le plus jeune âge, la personne en sera dépourvue plus tard.
Françoise Héritier souligne par ces arguments, que le problème persistant de la pauvreté et du sous-développement dans certaines parties du monde ne provient pas d’un défaut de moyens en matière d’éducation, mais d’un choix délibéré de ne pas éduquer les femmes, afin de les soumettre à certaines tâches bien délimitées, telles que le mariage et les travaux ménagers. Rien d’autre sinon n’expliquerait les déséquilibres absolument disparates dans le taux de scolarisation des femmes, entre le Vietnam ou les Philippines (plus de 90 % des filles fréquentant l’école) et le Pakistan ou l’Afghanistan où ce taux ne dépasse pas 30 %.

Sur quels fondements s’est construit ce « modèle intellectuel archaïque », tel que le qualifie Françoise Héritier ? L’anthropologue propose un scénario possible de la façon dont s’est mise en place la relation homme-femme.
En s’appuyant sur les rites et les mythes, certaines hypothèses apparaissent : les êtres humains ont toujours souhaité donner du sens à leur entourage, à leur environnement proche, ce qui nécessité une capacité d’analyse et de comparaison. La pensée humaine, traditionnelle ou scientifique, se serait exercée sur les premières différences observables : celle du corps (homme / femme), celle des éléments naturels (jour / nuit ; chaud / froid …). Cette pensée de la différence est à la base du système de réflexion binaire qui prévaut dans quasiment toute civilisation : on ne peut penser sans catégoriser les choses, sans faire des oppositions, voire même sans hiérarchiser. L’homme et la femme vont donc être interprétés comme étant deux pôles opposés, remplissant chacun un rôle particulier : « la femme a la capacité d’engendrer à la fois le semblable (une fille) et le différent (un garçon) » ; l’homme a la capacité de permettre la reproduction. L’hypothèse principale de Françoise Héritier est que l’homme a rapidement exprimé la volonté de contrôler la reproduction, à défaut de disposer de la capacité propre à celle-ci, … à la manière de celui qui s’assure la possession et le contrôle d’un trésor. Pour s’assurer que les femmes fassent les fils de l’homme, il fallait avoir plusieurs femmes à sa disposition, car elles sont le bien nécessaire à la survie du groupe. De cet état de fait, serait née la « domination masculine », telle que Pierre Bourdieu (sociologue contemporain français) la définit. Ainsi, les hommes se sont progressivement appropriés les femmes : ils les ont confinées, exclues des domaines politiques, économiques, religieux, privées souvent d’éducation, de pensée, de parole, violentées. Elles ont été dépossédées de leur autonomie et même de leur fonction reproductrice. En effet, les femmes sont censées n’être que « matière » (Aristote), ventres, réceptacles. C’est pourquoi la conquête de la contraception est vue par Françoise Héritier comme plus importante pour l’humanité et plus révolutionnaire que celle de l’espace. C’est la voie vers l’égalité des femmes.


Conclusion :Il s’agit bien ici de l’arrière-fond du débat, qui se prolonge jusque dans le milieu professionnel. La promotion de l’égalité homme-femme reste un terrain d’expression majeure de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE). Le combat pour l’égalité des sexes est le plus radical qui puisse être, insiste-t’elle. La différence des sexes structure la pensée humaine, puisqu’elle en commande les deux concepts primordiaux : l’identique et le différent.
Changer le rapport du masculin et du féminin signifierait bouleverser des schémas de pensée profondément ancrés. La manière dont chaque culture pense le statut de l’homme et de la femme met finalement en exergue toute sa conception du monde, sa sociologie.

Il faut comprendre derrière la démonstration de Françoise Héritier que la société dans son ensemble – entreprises et gouvernements compris – auraient tout à gagner en termes d’enrichissement intellectuel, de cohérence des décisions, et par conséquent en terme d’efficacité, d’un partage de pouvoir et de responsabilité plus équilibré entre hommes et femmes.

jeudi 19 mars 2009

Chaque crise devrait être l’occasion d’un questionnement individuel. Idem en matière d’investissement

Le Penseur - Rodin

En cette période de turbulences économiques, on lit fréquemment dans la presse des articles mettant en cause les défauts des gouvernements dans la prévention et la gestion des crises.
C’est à mon sens oublier cependant que nos gouvernements ne sont que les représentants … du peuple.


Promouvoir un modèle économique soutenable, s’appuyant sur une consommation plus modérée et de meilleure qualité, pour mieux respecter l’environnement et sur un système financier mieux orienté vers l’économie réelle, ne peut se construire sans l’aval de la population. Quel gouvernement a bâti sa campagne électorale sur ce genre de message ? Aucun à ma connaissance, pour deux raisons :

1) le citoyen lambda est encore à ce jour majoritairement incapable de formuler clairement ses attentes en matière de durabilité, car il n’a tout simplement pas d’idées des pré requis et conditions d’un système économique durable. Un gros travail d’éducation serait à faire afin que chacun prenne d’abord conscience de l’inter-dépendance entre ses actes et comportements basiques de la vie quotidienne. Par exemple, nombre de personnes se déclare sensible à la problématique du changement climatique, mais ne change pas pour autant ses pratiques sur le plan des transports et de la mobilité.
2) Pour se faire élire, les gouvernements ont besoin de l’appui de personnes d’influence, donc ayant du pouvoir. Généralement, il s’agit d’acteurs importants de la vie économique, ayant bâti leur puissance sur les fondements-même des éléments actuellement remis en cause dans le système capitaliste : maximisation des profits, vision à court terme, intérêt relatif pour tous les sujets pouvant être un obstacle à la croissance économique (problématique sociales et environnementales notamment). Prôner une nouvelle économie remettant en cause certains principes de base ayant fait le succès des principaux sponsors des partis politiques serait particulièrement périlleux. Il s’agirait même d’une trahison fatale, qu’aucun ne se risquerait à faire.

De ce point de vue, les gouvernements sont dans l’impasse. Ils ne font que reproduire les attentes (ou tout du moins l’indétermination) de leur électorat – i.e. nous-mêmes – sur ces questions.
Car il ne faut pas se voiler la face : mettre un terme au système néo-libéral d’hier, en partie responsable de la crise d’aujourd’hui, c’est soutenir implicitement la thèse d’un Muhamad Yunus, pour ne citer que lui. Bangladeshi de nationalité, donc issu d’une autre civilisation, dont la pensée occidentale née des Lumières est étrangère (même s’il a eu l’occasion d’étudier aux Etats-Unis), Mr Yunus défend des valeurs de solidarité, d’humanisme, d’altruisme et de bonheur largement éloignées du contenu de nos manuels scolaires, de la culture de nos entreprises, des discours de nos gouvernements, des conversations de bistrot et des réunions de famille. Seule l’Eglise dans nos régions joue par essence pleinement dans ce registre, avec le relatif succès que l’on connaît.
Il est clair que l’on ne casse pas un système entier du jour au lendemain, mais il me semble que peu d’entre nous ont conscience de ce qu’entraînerait une remise à plat du système actuel, tel que tout le monde dit le souhaiter.
Je ne pense pas qu’il y ait de demi-mesures possibles en matière de réforme d’un système économique : soit celui-ci donne la priorité au bien-être individuel, soit il met l’accent sur le bien-être collectif. S’il tente un compromis entre les deux, il dérivera indubitablement vers le premier, car les vieilles recettes existent déjà, alors qu’il faut les créer entièrement dans le cas d’une politique tournée vers l’expression des besoins collectifs … sauf à s’inspirer de certaines pratiques en vigueur dans certaines civilisations (en Afrique, Océanie, …) trop hâtivement qualifiées d’arriérées.

La pierre angulaire du changement, que chacun appelle de ses vœux, se trouve donc ici. Rejeter la faute aux gouvernements est une façon de se déresponsabiliser d’une question, d’un enjeu qui est hautement personnel. Une sortie durable de crise ne peut se trouver que via une introspection d’abord personnelle, puis ensuite collective : comment définissons-nous un monde meilleur ? Suivant quels critères ? En fin de compte, quelle définition donnons-nous au bonheur ? Ces questions ne sont pas nouvelles, preuve de leur profondeur ontologique.
A moins qu’un subit éveil des consciences individuelles ne se manifeste, il est fort à parier que cette crise ne sera pas la dernière. Je ne m’aventurerai pas ici dans des conseils en matière d’investissement. Néanmoins, pour qui souhaite investir en actions et obligations, autant privilégier dans ce cas une sélection d’entreprises répondant le mieux aux critères ESG (Environment, Social, Governance). Soit en investissant en ligne directe, soit au travers de fonds SRI (Socially Responsible Investment). L’offre ne manque pas.