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lundi 31 octobre 2011

Vers une réinterprétation de la notion de risque dans une approche éthique de l’investissement (1) - Conditions et implications

(the Al Gore's film poster)
Dans une 1ère partie, nous aborderons la généralisation du phénomène de risque et l'évolution d'une vision individualiste de celui-ci vers une vision communautaire.
De plus en plus fréquemment, les risques prennent une échelle planétaire, qu'il s'agisse du récent accident nucléaire de Fukushima ou de la grippe aviaire. Tout un chacun devient concerné.

Dans une 2ème partie, nous analyserons pourquoi la configuration actuelle du risque nécessite une révision profonde du modèle de la société contemporaine.
Nous pourrons en conclure que l'évaluation du risque dans le domaine de l'investissement nécessite d'être élargie à des aspects sociaux et environnementaux aujourd'hui encore pas suffisamment pris en considération, même si quelques progrès ont pu être réalisés.


Diverses initiatives surgissent depuis une bonne décennie dans le secteur bancaire et financier au niveau international comme au niveau local, en vue de promouvoir une nouvelle forme de finance plus proche des problématiques sociales et environnementales émergentes dans le cadre de la globalisation.

On peut par exemple citer :
-          les PRI (Principles for Responsible Investment) sous l’égide des Nations-Unies, visant à fraire adopter par les acteurs financiers des normes et règles de conduite communes.
-          les SIF (Social Investment Forum), entités à l’échelle nationale encourageant l’investissement socialement responsable (ISR), tant auprès des banques et sociétés de gestion, que des fonds d’investissement.
-          ou encore les nombreuses organisations indépendantes à un niveau national ou local, telles que Sustainable Finance Geneva ou le TIGFI (The Institute for Global Financial Integrity) à Luxembourg.

La plupart de ces initiatives (en-dehors de l’ISR) restent généralement assez peu connue d’une grande partie des professionnels du milieu bancaire – et a fortiori du grand public – ce qui illustre bien la timide avancée de la réflexion sur de nouvelles pratiques éthiques.
Ce constat n’est pas surprenant. Dans une optique de comportement financier responsable, la remise en cause des schémas de raisonnement courant est plus profonde qu’elle ne le laisse croire, d’où l’immobilisme ou la résistance au changement qui se manifeste.


La double dimension des risques

Nous regroupons sous le vocable de « financement », les opérations de crédit tout comme celles d’investissement. En effet, dans les deux cas, une évaluation du risque est nécessaire. En-dehors d’un socle usuel d’informations à partir duquel l’analyse est effectuée (éléments d’ordre financier notamment), l’opérateur de financement est libre d’y inclure des données complémentaires s’il souhaite approfondir son approche.

Une opération de financement engendre deux types de risque :
-          un risque pour l’apporteur de fonds (le plus généralement une banque offrant un crédit ; un acteur industriel développant son outil de production ; ou encore un opérateur privé effectuant un placement) : celui-ci n’est pas toujours certain de récupérer sa mise de fonds initiale, ou encore de tirer le bénéfice financier ou matériel escompté. La prise de décision est par nature difficile, compte-tenu de l’éventail de considérations en jeu.
-          un risque pour la société, que l’on qualifiera d’externalités négatives, si celui-ci se réalise. L’investissement peut par exemple entraîner de façon détournée une dégradation de l’environnement (rejets industriels). Il peut également avoir pour conséquence indirecte des pertes d’emplois et donc la destruction partielle d’un tissu social. Cependant, il peut de manière tout aussi indirecte être à la source de nouvelles activités offrant des perspectives de redynamisation d’une région.

Force est de reconnaître que le risque et les opportunités à l’échelle de la société sont très mal évalués, non par défaut d’outils à disposition, mais par manque de préoccupation pour ces aspects-là. Ce constat pose notamment le problème de l’internalisation des externalités dont les coûts, tout comme les gains, ne font que très marginalement partie du calcul de la rentabilité d’un investissement.


L'acceptation du risque : une forme de jeu

De façon générale, comment s’exprime le risque ? Il illustre une situation mettant en jeu in fine l’intégrité physique ou psychique de la personne. La conscience du risque croît parallèlement à l’augmentation de la reconnaissance de la valeur humaine, et au phénomène d’anticipation des évènements. Il s’appréhende par le savoir et la déduction, qui peuvent provenir de l’expérience passée ou de la simple acquisition de connaissances.

La notion de risque est donc fortement liée au contexte individuel et social de chacun. Le risque est ressenti de manière plus exacerbée dans les sociétés valorisant l’être humain, que dans celles construites autour d’un état d’esprit communautaire.
L’évaluation de la probabilité du risque est un exercice mathématiquement faisable, sur base de statistiques. A l’opposé, l’acceptation de celui-ci est relative et ne peut être isolée de son contexte d’apparition. On sait par exemple que l’automobile est un moyen de transport plus dangereux que le train, et pourtant l’engouement pour la route demeure. De même, le chasseur de perles n’interrompt pas son activité malgré les risques inhérents à la plongée en apnée. Dans ces deux exemples, le risque est accepté, car l’individu y trouve en contrepartie une satisfaction en terme de confort de vie ou d’enrichissement personnel. Chaque choix étant facteur de risque, le risque est donc sans cesse à rapporter à l’utilité marginale qu’il génère. Le problème majeur est que le risque est essentiellement appréhendé dans un contexte individuel, sans préoccupation ou avec sous-estimation de l’impact communautaire. Même l’alpiniste dans son ascension solitaire génère la survenance d’un risque pour autrui, qui tentera éventuellement de lui porter secours en cas de difficulté. En conclusion, ne pas prendre de risque reviendrait-il à faire preuve d’altruisme ? Cela ne veut cependant pas dire que les preneurs de risque sont tous égoïstes, car la teneur du risque et sa portée sont perçues de manière très différente par chacun.

U. Beck précise d’ailleurs que l’on passe de plus en plus d’une logique de risque personnel à un contexte de risque communautaire, du fait notamment d’un développement technologique de plus en plus accéléré. Si autrefois, le risque était un phénomène externe non prévisible, il devient de plus en plus prévisible, grâce aux simulations qu’il est aujourd’hui possible de réaliser.
La maîtrise du risque ne peut donc passer que par un débat ouvert, une concertation permanente des acteurs de la société, pour déterminer ce qui peut être acceptable et ce qui devrait être absolument rejeté.


Le caractère de plus en plus politique du risque

Du fait de sa répercussion immanquablement communautaire, la problématique du risque devient même une affaire de dimension politique. Il n’est en effet plus possible de laisser aux agents économiques le soin de le gérer chacun à leur manière. Il est nécessaire de déterminer une nouvelle ligne de conduite, une nouvelle façon de penser et donc un nouveau cadre institutionnel intégrant une gestion anticipative du risque, ainsi que des solutions communes pour y remédier en cas de réalisation. Il s’agit d’abandonner les formes de gestion qui correspondent à la vision contemporaine individualisée du risque.

Une prise en compte élargie du risque bute sur l’incapacité de l’homme à reconnaître et accepter les conditions de sa propre survie. Ceci l’incite à reporter sur autrui la mission de trouver une solution préventive ou salvatrice, par désespoir de parvenir facilement à l’émergence d’un consensus sur une vision commune (en raison du nombre trop important d’humains à mettre d’accord). Le niveau de risque serait donc une fonction croissante de la population mondiale, et les choix (généralement hâtifs) faits en matière d’investissement traduiraient indirectement l’égoïsme désespéré de l’individu face à la difficulté d’aboutir à une décision concertée.

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Main links :
- PRI : www.unpri.org
- SIF : www.eurosif.org ; www.ussif.org ; www.frenchsif.org ...
- Sustainable Finance Geneva : www.sfgeneva.org
- TIGFI : www.tigfi.lu